"La culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité"

Partant de cette notion fondamentale exprimée par Gao Xingjian, ce blog a pour but de partager les connaissances dans tous les domaines de l'histoire de l'art occidental.

Des périodes antiques à la période contemporaine, le lecteur est invité au voyage par des articles à vocation scientifique, mais accessibles à tous.

S'interroger, historiciser, expliquer en gardant un esprit critique et humaniser l'histoire au travers des productions et oeuvres sont les critères essentiels de cette page. De nouvelles perspectives naissent ainsi du croisement des regards, des conceptions, de la connaissance des artisanats et des arts.

Rédigé par une docteur spécialisée en iconographie, ATER à l'Université de Poitiers, ce blog a également la volonté d'intégrer de jeunes chercheurs passionnés, désireux de partager leurs connaissances et leurs savoirs par la publication d'articles.



" The culture is not a luxury, it is a necessity " This notion expressed by Gao Xingjian, is the foundation for the blog, who aims at sharing the knowledge in all the domains of the art history. From Antique periods to the contemporary period, the reader is invited in the journey by articles with scientific vocation, but accessible to everyone. Wondering, historicizing, explaining by a critical spirit and humanizing the history through the productions and works are the essential criteria of this page. New perspectives arise from the crossing of the glances, conceptions, knowledges. Drafted by a PhD Doctor specialized in iconography, this blog also has the will to join young researchers, avid to share their knowledges by the publication of articles. English summaries will be proposed (see article : the blog evolves - le Blog évolue)


mercredi 7 novembre 2012

Publication : Iconographie et culte de saint Eloi dans l'Occident médiéval

© J.-C. Masmonteil
Jean-Christophe Masmonteil aborde dans cet ouvrage les représentations de saint Eloi, en analysant tous types de supports artistiques. L'étude révèle la dévotion et le succès du culte du saint orfèvre, évêque et homme de cour, aussi bien dans les milieux populaires qu'aisés, tout au long du Moyen Age et jusqu'aux Temps modernes.

Tarif préférentiel de souscription avant parution (décembre 2012) : 25 euro + port offert
Après parution : 30 euro + 8 euro de port/exemplaire 


lundi 29 octobre 2012

JOURNEES D'ETUDE ET RENCONTRES SCIENTIFIQUES

En attendant la reprise de publications d'articles, le blog reste un "outil radar" référençant quelques séminaires, journées d'études ou colloques scientifiques mais bien souvent ouvert à tous dans la limite des places disponibles. 

Voici quelques rencontres d'importance, concernant le Moyen Age  :



** Charpentes médiévales. Etudes récentes et nouvelles perspectives de recherche

Sargé-sur-Braye (Loir-et-Cher), château des Radrets © photo : Patrick Hoffsummer

Journée coorganisée par le Centre André Chastel, le Lamop, la médiathèque du patrimoine et l'université de Liège

9 novembre 2012, Paris, INHA

Info : Charpentes médiévales


** Héraldique et hiérarchie au moyen âge. Les armoiries : Un code visuel de structuration politique et sociale ?

Poitiers, Hôtel Fumé © C. Lupant

Journées internationales d'études héraldiques
12-13 novembre 2012, Poitiers, Hôtel Fumé

Héraldique


** Le monument médiéval : études croiséesLa cathédrale de Poitiers - Autour du Mont Saint-Michel

 Poitiers, cathédrale Saint-Pierre. © C. Lupant 

Journée d'étude
22 et 23 novembre 2012, Poitiers, Hôtel Fumé



** De lumière, de pierre, de cire et de verre. L'église et la lumière au Moyen Âge

8 décembre 2012, Institut catholique de Paris



** Les cinq sens au Moyen Age (II)

Table ronde organisée sous l'égide de l'Université de Poitiers - CESCM, Institut universitaire de France, Médiathèque de Poitiers. Manifestation organisée par Eric Palazzo, professeur à l'université de Poitiers, membre senior de l'Institut universitaire de France.

29-31 mai 2013, Poitiers

Programme à suivre.

 C.L. 

jeudi 30 août 2012

Bientôt la rentrée... et de nouveaux articles.

Je reviens vers vous après quelques semaines de silence estival.
Les publications sur le blog reprendront après la mi-septembre, avec de brefs articles inspirés des cours dispensés prochainement à l'Université de Poitiers, auprès de laquelle j'ai obtenu un poste d'A.T.E.R.
En attendant les prochaines publications, je vous souhaite une très belle fin d'été.
Chrystel Lupant

dimanche 17 juin 2012

Cycle d'articles sur l'iconographie de l'enseignement (XIe-XVe s.) : Article 3, l'enseignement de Benoît de Nursie




Suite à deux précédents articles consacrés à l’iconographie de l’enseignement (enseignement de Salomon, enseignement du Christ) et publiés sur ce blog, j'en viens à présent à une approche succincte des représentations de l'enseignement monastique. Je fais délibérément le choix de présenter l'iconographie bénédictine pour deux raisons. Premièrement, le « Patriarche des moines d’Occident » constitue un de mes personnage-thèmes de spécialisation ; deuxièmement, l'iconographie de l’enseignement de saint Benoît de Nursie est importante et prolifique en Occident. Fondateur de l'Ordre des Bénédictins, Benoît est un législateur proposant une Règle de vie commune, rédigée au VIe siècle, très largement diffusée en Europe médiévale et à ce jour encore une des plus importante au monde [Larousse, vie de Benoît]

Natif d’une noble famille, Benoît s’éloigne rapidement des préoccupations du monde afin de se tourner vers la réclusion et la prière ; de fameuse réputation, l’ermite se retrouve confronté à l’affluence de fidèles. Il fonde alors des monastères, s’installe lui-même à la tête d’une petite communauté dont fait partie Maur et Placide, deux enfants offerts en oblation par leurs pères. Si ce « sacrifice » d’enfants au monastère est souvent représenté, l’enseignement de ces mêmes enfants est pourtant très rare. Celles dont on dispose aujourd'hui introduisent certains exemplaires de la Règle, comme ce frontispice (décoration à pleine page dans laquelle l’intitulé du texte se trouve inclus [vocabulaire codicologique]) d’un exemplaire de la Règle bénédictine, incluse dans le Martyrologue et Obituaire de l'abbaye du Saint-Sépulcre de Cambrai. 
Frontispice, Benoît et Maur, Cambrai, Bibliothèque municipale, ms. 0829, f. 54v
(c) Bibliothèque de Cambrai-IRHT - Base Enluminures. 
L’image présente saint Benoît au centre de l'image ; son importance est signalée par ses dimensions et son emplacement dans la représentation. Saint Maur, son jeune disciple et successeur dans la diffusion de la Règle en Gaule, se tient debout devant lui. Il est plus petit que Benoît, mais porte déjà le nimbe signalant ses saintes prédispositions. Il est penché dans la lecture du livre, suivant le geste de son enseignant. Celui-ci tient la crosse abbatiale, tout en faisant un geste d'enseignement particulier, index et médium serrés. Le monastère est représenté par un édifice dont la porte est entrouverte.
Cette enluminure est ainsi intéressante à plusieurs points de vue. En effet, les codes iconographiques de l'enseignement sont repris pour partie, dans le positionnement des personnages, dans les gestes  ainsi que dans l'accessoire du livre, mais l'inclusion d'un objet peu définissable, cette sorte de chaudron sur pied, ainsi que du bâtiment est novateur. L'école, incluse dans les bâtiments monastique et organisée dès le IVe siècle selon les sources écrites, n'est détaillée ni dans l'iconographie religieuse avant le début du XIVe siècle, ni dans les sources écrites. Le lieu se caractérise tout au plus par un élément architectural et éventuellement le mobilier, à savoir le siège magistral et le pupitre. Les enseignés disposent rarement d'un équipement, tout au plus de bancs ou de tablettes. Cette enluminure est donc d'autant plus importante. En l’absence d’autres éléments, la fonction d'école spirituelle du monastère ne pourrait-elle pas être cautionnée par l'enseignement de saint Maur ? Il est à noter que l'enseignement de celui-ci est fait par saint Benoît. Maur n'est pas confié à un enseignant autre que l’abbé, alors que cela est pourtant prévu dans la Règle Bénédictine. Remarquons également que lui seul est enseigné, en l’absence de Placide, son condisciple, ou de tout autre novice. Ceci met en valeur sa particularité, son élection comme successeur de saint Benoît et comme propagateur de la Règle.

Comme dit précédemment, les représentations bénédictines de scènes d'enseignement sont peu nombreuses. On en retrouve quelques exemples dans les manuscrits, où le saint enseigne à ses moines, sans que ceux-ci ne soient identifiables.
Parmi les autres catégories de manuscrits enluminés, de la Vie de Saint Benoît, rédigée traditionnellement par le pape Grégoire le Grand vers 593-594, mettent davantage l'accent  sur les épisodes valorisant les dons thaumaturgiques du saint et sa filiation spirituelle, au détriment des scènes d'enseignement. Il n'empêche qu'un manuscrit conservé à la Bibliothèque vaticane, montre une représentation intéressante.

Copyright C. L.
Miniatures, Oblation de Maur ; enseignement de Maur, Vatican, B.A.V. 1202, f. 114v
(c) B. BRENK - BIBLIOTECA APOSTOLICA VATICANA
Le codex benedictus est un lectionnaire produit au Mont-Cassin et daté de 1071. A ce jour, il est le manuscrit enluminé le plus ancien connu contenant la vie de saint Benoît. Les miniatures présentent les séquences narratives de la vie du saint, en étant fidèles au texte, agrémentant l’image de détails. Si le copiste et l'enlumineur sont inconnus, chose habituelle à cette époque, le commanditaire est bien mentionné et mis en valeur. Il s'agit de Didier, abbé du Mont-Cassin et futur pape Victor III. Dans un contexte de conflits internes à l’Eglise et à l’«ordre bénédictin », le manuscrit était destiné à prouver l’origine cassinienne du monachisme bénédictin en soulignant les liens entre les maisons bénédictines françaises et le Mont-Cassin, alors que Fleury-sur-Loire (l'actuel Saint-Benoît-sur-Loire) se considérait comme le berceau du culte de Benoît. L’ouvrage sert l'abbé en démontrant la supériorité du Mont-Cassin sur toutes les autres maisons bénédictines. Par une valorisation de la mission de saint Maur, envoyé par Benoît en Gaule, le manuscrit 1202 explicite la dépendance des monastères français au monastère cassinien et fournit des arguments à l’encontre de l’indépendance proclamée par Fleury-sur-Loire. A l’image de l’Eglise fondée par Pierre à la demande du Christ, le monastère de Glanfeuil fondé par Maur est le seul véritable établissement bénédictin français disposant de préséances sur les autres maisons. La scène d'enseignement a donc une valeur particulière. Il est tout à fait significatif que cette image soit incluse dans la partie réservée à la Vie de saint Maur. A nouveau, la représentation doit être prise dans sa globalité. La composition de la page insiste sur l'enseignement certes, mais surtout sur la paternité charnelle et la paternité spirituelle : l'oblation du jeune enfant est représentée au registre supérieur. Le père biologique cède l'enfant au père spirituel, qui l'accepte par ce geste d'imposition de la main, geste qu'on retrouve dans les scènes de succession et valorisant la relation supérieur – inférieur. Le jeune Maur est pris sous la protection de saint Benoît. La représentation du registre inférieur complète l'organisation générale en utilisant une image idéalisante et idéalisée de l'élève, assidu et mesuré dans ses gestes et son comportement. Les rubriques complètent le propos de l'image, en insistant sur la succession du Christ au travers de l'enseignement prodigué et reçu.

                                    
En conclusion, on retiendra que nous sommes en présence de modèles : Salomon, le Christ, Benoît de Nursie. L'iconographie de l'enseignement s'exprime par la hiérarchie morale et cultuelle de l'enseignant, qui est mise en valeur soit par les accessoires, soit par le comportement et la gestuelle. Cependant, il ne s'agit pas de modèles recopiés : il faut y distinguer des particularités. Le recours à une documentation parallèle et aux sources écrites est donc essentiel, car elle permet de déterminer le sens de certains éléments et de comprendre le dialogue avec l'image. Les représentations vétérotestamentaires et christiques forment une belle base de données pour les artisans de l’image, qui reprennent des codes déjà bien établi et garantissant l'identification et la lisibilité du thème, tout en y ajoutant des particularités propre à l'iconographie monastique.

C. Lupant



mardi 22 mai 2012

Article radar : Michel Pastoureau: "On vit mieux sous Saint Louis que sous Louis XIV", L'Express.fr

Ce blog se veut être, en plus d'un lieu de publication d'articles de jeunes chercheurs, un blog-radar vers d'autres pages d'intérêt.
Voici ainsi l'article publié le 21 mai 2012 par Marc Riglet (Lire), dans l'Express.fr
L'auteur s'y entretient avec Michel Pastoureau, historien médiéviste français, chartiste et archiviste, paléographe, spécialiste des questions de la couleur, des animaux et des symboles.

Michel Pastoureau ; Copyright L'Express.fr

L'express.fr : 
"Michel Pastoureau tire sa juste gloire de travaux que l'on pourrait juger insolites. N'est-il pas l'historien des couleurs, des tissus, des animaux, et n'a-t-il pas contribué à nous faire voir ours et cochons d'un autre oeil ou, en tout cas, ailleurs que dans leurs seules montagnes ou dans leur seule auge ? Cet intérêt pour ces sujets peu communs, Michel Pastoureau le tire de sa formation de chartiste et de ses premières amours de thésard. Avec son sujet - Le Bestiaire héraldique au Moyen Age -,toute l'oeuvre à venir semble concentrée : les animaux, les couleurs - car que serait un blason sans couleur ? -, le Moyen Age, enfin. Comme l'époque est propice, que l'école des Annales, avec son lourd attirail de longue durée et de séries statistiques, exerce moins son empire, les temps sont venus de l'histoire des "mentalités" ou, comme l'on préfère dire aujourd'hui, de l'histoire des "représentations". "Nouvelle histoire", donc, nouveaux sujets. Nouvelle sociabilité aussi entre historiens qui ne regardent plus de haut ces chartistes "collés aux textes". Et c'est sous les patronages bienveillants de Georges Duby et de Jacques Le Goff que Michel Pastoureau commencera sa brillante carrière de médiéviste. Elle n'est pas finie. 

Vos intérêts pour l'histoire des couleurs, l'histoire des animaux, celle des images de toute espèce - blasons, emblèmes, bannières... - vous conduisent à excursionner à travers tous les âges. Diriez-vous, toutefois, que vous êtes avant tout un historien du Moyen Age ?
Michel Pastoureau. Oh, oui ! je suis médiéviste, je revendique l'étiquette d'historien du Moyen Age. Même si je déborde souvent en amont et en aval, même si j'ai une passion secrète pour l'histoire romaine, même si mon intérêt pour l'histoire et la sociologie des couleurs m'entraîne jusque dans notre monde contemporain. J'aime à franchir les frontières du temps et des disciplines, mais je reste un médiéviste. Par exemple, les documents que j'étudie de première main sont le plus souvent des documents du Moyen Age. Voyez-vous, tous les jours, le chartiste que je suis et que je reste traduit du latin.  

Le médiéviste de tout le Moyen Age, donc, mais un Moyen Age qu'il faut découper !
M.P. Bien sûr, il faut distinguer "des" Moyen Age. Le Moyen Age pris dans son ensemble dure mille ans. C'est trop long pour faire une seule culture, une seule civilisation. Aussi bien, traditionnellement, on distingue au moins trois périodes. Un premier Moyen Age qui va de l'Antiquité tardive jusqu'aux environs de l'an mille, c'est le haut Moyen Age. Puis un Moyen Age central dont je suis plus particulièrement spécialiste, les XIe, XIIe, XIIIe siècles, et puis, enfin, un bas Moyen Age, un Moyen Age finissant, les XIVe et XVe siècles. La coupure, pour cette dernière période, se situe, à mon avis, aux alentours de 1320-1350. Beaucoup de choses changent à ce moment et, notamment, le climat, avec des conséquences très importantes sur la démographie, l'économie, etc.

Dans ces conditions, il serait abusif, par exemple, de parler de "l'homme du Moyen Age".
M.P. Oui, bien sûr. L'homme, ou la femme, à l'époque de Charlemagne, à l'époque de Saint Louis, et à celle de Jeanne d'Arc, évidemment ce ne sont pas les mêmes hommes et les mêmes femmes. En fait, lorsque l'on parle spontanément de "l'homme du Moyen Age", on se réfère plus ou moins consciemment au Moyen Age central qui est une sorte d'archétype du Moyen Age en général. C'est le Moyen Age des châteaux forts, des croisades, des tournois, de l'héraldique, de la chevalerie, de la vassalité...  

Sur ce Moyen Age-là, comme sur les autres périodes, les représentations ont longtemps été négatives. "Moyenâgeux" n'est pas un compliment. Ou en est-on de la légende noire du Moyen Age ?
M.P. Les historiens s'en sont depuis longtemps débarrassés. Mais, moi, ce qui me met le plus en colère, ce sont les expressions de la vie courante, du genre, "on se croirait revenu au Moyen Age", chaque fois que survient quelque chose de barbare, de catastrophique... Or, en historien, je sais que, en Europe en tout cas, la période où les hommes et les femmes ont été le plus malheureux, ce n'est pas du tout le Moyen Age, c'est le XVIIe siècle ! S'il y a un siècle noir, c'est bien le "Grand Siècle" ! C'est celui des calamités climatiques, des famines, de cette terrible guerre de Trente Ans, si affreusement dévastatrice. Songez que c'est le siècle où la taille des êtres humains, et celle aussi des animaux, diminue ! C'est celui où l'espérance de vie tombe au plus bas. On vit mieux et plus longtemps sous Saint Louis que sous Louis XIV ! Bref, un siècle abominable ! Et, en regard, voyez ce Moyen Age central, avec son expansion économique, son essor démographique, son climat stable, ses pluies qui tombent au bon moment, ce commerce qui prospère, ce servage qui lentement disparaît, bref, des siècles de progrès. Il ferait presque bon vivre en ce Moyen Age-là ! 

Autrement dit, le Moyen Age aurait eu ses "Renaissances" ?
M.P. Oui. On parle d'ailleurs souvent de "Renaissance du XIIe siècle", avec le surgissement de la notion d'individu, mais aussi de "Renaissance carolingienne". Cela étant, ces perceptions sont aussi tributaires du niveau de nos connaissances historiques. Pour le haut Moyen Age, par exemple, les Anglais parlent de dark ages, de siècles sombres. Mais ils sont sombres moins en raison des malheurs du temps qu'en raison de nos connaissances lacunaires. C'est notre savoir qui est dans l'obscurité ! Le Xe siècle, par exemple, est un siècle très méconnu par rapport au précédent et surtout par rapport au suivant. Donc il faut relativiser. Ce qui n'est pas facile car les idées reçues ont la vie dure. L'image d'un sombre Moyen Age, forgée au XIXe siècle par les romantiques, est tenace, et les médias, comme le grand public, y semblent solidement attachés.  

N'avez-vous pas le sentiment d'assister ces temps-ci à une "réhabilitation" du Moyen Age, à un regain d'intérêt aussi ? Un engouement, même, pour les travaux historiques, les créations littéraires, cinématographiques, télévisuelles touchant à la période ?
M.P. Oui, ce n'est pas faux. Cela vient de ce que la génération de grands historiens qui m'a précédé - Georges Duby, Jacques Le Goff ... - a su pratiquer une bienfaisante et courageuse vulgarisation, à un moment où ça ne se faisait pas, où ça n'était même pas très bien vu dans les milieux universitaires. Nous sommes quelques-uns à avoir poursuivi dans cet élan, et cela peut corriger auprès du grand public certaines idées fausses sur le Moyen Age. Toutefois, rien n'est jamais acquis. J'ai le sentiment que le goût pour le Moyen Age, les curiosités sur la période sont moins vifs qu'ils ne l'étaient hier. Je le vois, par exemple, en bibliothèque aux livres d'histoire qu'empruntent les enfants. Il y a eu une période où c'était toujours le Moyen Age qui emportait la palme. Les garçons jouaient aux chevaliers ! Maintenant on ne joue plus aux chevaliers. La préhistoire, l'Egypte pharaonique, ou alors le futur, la science-fiction, semblent attirer davantage. J'ai fait, il y a quelques années, mon séminaire à l'Ecole des hautes études sur Ivanhoé de Walter Scott. En début d'année, j'avais demandé à mes étudiants : qui a lu Ivanhoé ? Presque personne n'avait lu Ivanhoé. 

Il y a certaines périodes de notre histoire de France auxquelles nous pouvons nous rattacher quand nous percevons une filiation entre notre passé et notre présent. Ou encore, pour parler comme Jean-Noël Jeanneney, quand joue une "concordance des temps". Si vous deviez choisir quelques traits caractéristiques du Moyen Age qui feraient comme un pont avec notre modernité, quels seraient-ils ?
M.P. Je suis là prisonnier de mes attirances, de mes goûts, de mes compétences, c'est-à-dire de la période que je connais le mieux, je vous l'ai dit, le Moyen Age central : le tournant des XIIe et XIIIe siècles. Etablir une "concordance des temps" avec ce Moyen Age-là ne va pas de soi. Il est à la fois lointain, donc il garde sa part de mystère, de merveilleux et, en même temps, il est relativement proche, puisque nous vivons encore sur des héritages médiévaux dans beaucoup de domaines, le calendrier, par exemple, mais aussi, bien sûr, dans notre champ visuel, nos églises. Donc il y a à la fois une étrangeté et une familiarité. Et puis il y a les valeurs. Nombre d'entre elles, que l'on professe sans nécessairement les honorer - je pense à la noblesse, à la fidélité, au courage, mais aussi à l'idée de tempérance, à la distinction entre vice et vertu -, tout cela nous vient du modèle de la société chevaleresque ou des enseignements de la théologie médiévale. Y sommes-nous encore fidèles aujourd'hui ? Rien n'est moins sûr. Un exemple : le Moyen Age a horreur du mensonge. Ne pas dire la vérité est perçu comme extrêmement grave. Il ne viendrait à l'idée de personne de ne pas dire la vérité ! Or, il ne me semble pas que cet impératif de vérité, qui est d'ailleurs aussi bien une crainte du mensonge, soit un trait de nos temps modernes ! "


dimanche 6 mai 2012

France Culture : enregistrement de "Sérendipité : du rôle du hasard dans les découvertes"


"Les chemins qui mènent à la découverte sont quelquefois tortueux, et le hasard, servi par l’intuition ou l’attention de chercheurs, s’insinue parfois dans cette démarche. L’étude et l’exploitation de ce hasard a donné naissance à la « sérendipité », science initiée par les anglo-saxons. Découvrez une autre facette de la démarche scientifique" (France Culture). Avec Claude Monneret, directeur de recherche émérite
Podcast : France culture, Sérendipité

samedi 28 avril 2012

Envie de visiter quelques uns des plus célèbres musées du monde ? C'est possible, virtuellement !

Le site Google Art Project, lancé en février 2011, s'enrichit de nouveaux partenariats permettant aux internautes de visiter virtuellement un nombre important de musées à travers le monde. 


Un site à découvrir pour les curieux, les passionnés, les chercheurs désirant observer les oeuvres. 
GOOGLE ART PROJECT en français 







Would you like to visit virtually some some of the most famous museums of the world ? 
The Google Art Project, started in February 2011, grows with new partnerships allowing the Internet users to visit virtually a significant number of museums, worldwide. 
A site to be discovered for the curious, the passionate persons, the researchers wishing to observe the works.
GOOGLE ART PROJECT

samedi 14 avril 2012

LA MANUFACTURE DE FAÏENCE DE LA VEUVE PERRIN A MARSEILLE


Par Sandrine KRIKORIAN, Docteur en Histoire de l'Art



Le sud-est de la France, à l'époque moderne, est dominé par deux foyers artistiques majeurs dans l'art de la faïence : Moustiers et Marseille. L'activité débute dans ces deux villes vers 1675 par l'intermédiaire de la famille des Clérissy qui possédait une fabrique dans les deux villes (celle de Marseille se trouvait dans les faubourgs ; il s'agit de la manufacture de Saint-Jean-du-désert). Néanmoins, à Marseille, c'est au XVIIIesiècle que la faïence connaît son âge d'or avec pas moins d'une douzaine de manufactures dont celle de la Veuve Perrin. Il s'agit encore de nos jours de la manufacture de faïence marseillaise la plus réputée et elle est intéressante car elle doit sa renommée à la femme qui la dirige : Pierrette Candelot, originaire de Lyon, épouse de Claude Perrin. Ce dernier décède en 1748 en laissant sa veuve avec trois enfants et des dettes. Et c'est celle que l'on connaît sous le nom de la Veuve Perrin qui va donner à la manufacture de faïence son essor et sa renommée.

Véritable "femme de tête", sachant prendre des décisions, c'est une admirable gestionnaire. Moins de quatre ans après le décès de son mari, les dettes sont soldées. Dotée d'une remarquable intuition, elle achète en 1754 une propriété dans le quartier de Montredon qui se revèlera un investissement fructueux. A cette époque à Montredon existait un phénomène géologiques qui selon les recherches scientifiques est rare en Provence : la formation de sable éolien dolomitique fin et légèrement coloré. Ceci a permis à la directrice de la manufacture d'avoir à sa disposition la matière première nécessaire : le sable ainsi que le sel (fondant utilisé pour l'émail). Par la suite, elle va s'associer avec d'autres faïenciers et fera encore davantage fructifier ses investissements ce qui lui permettra d'accroître la renommée de la manufacture. Elle cède sa place à sa fille Anne à qui elle donne une procuration à l'âge de 84 ans puis décède l'année suivante, en 1794. Avec elle, meurt également la manufacture qui ferme ses portes au début du XIXe siècle.

Assiette à décor chinois, vers 1660-1670, Petit Feu, pourpre (c) Copyright Sandrine Krikorian
Voici un exemple de ce que fabriquait la manufacture de la Veuve Perrin avec la technique du Petit Feu. Cette assiette se trouve au musée de la faïence à Château Pastré à Marseille qui recèle un trésor d'objets en faïence marseillaise. De nombreuses pièces qui s'y trouvent ont été réalisées par la manufacture de la Veuve Perrin. Mais pas seulement. Des manufactures comme celles de Fauchier, Savy, etc. y sont également représentées.


C'est la Veuve Perrin qui met au goût du jour la technique de cuisson au "Petit Feu" (ainsi qu'on l'appelle pour la distinguer de la cuisson au "Grand Feu"). Déjà connue en France, surtout à Strasbourg grâce à Pierre Hannong, c'est avec Pierrette Candelot que cette technique se développe à Marseille et c'est de cette façon qu'elle a différencié sa production des  pièces des autres manufactures marseillaises. Ce procédé permet l'emploi de couleurs variées : or, argent, vert clair, rose et rouge que l'on ne trouvait pas dans la technique au "Grand Feu".

Les pièces produites sont diverses : assiettes, plats, rafraîchissoirs à bouteilles et à verres, saucières, surtouts de table, terrines, couverts, sucriers, mais aussi pots-pourris, fontaines d'applique ou encriers. Ce sont donc principalement des objets de table qui sont produits avec un décor également diversifié. Fonds colorés, décor floral, décor animalier, représentations exotiques, scènes champêtres ou encore vues marines sont un éventail du décor de la manufacture. En ce qui concerne le décor animalier, il faut noter un thème marseillais, appelé familièrement le décor "de bouillabaisse" et qui comprend la décoration de poissons. 

                                                                                                      Sandrine Krikorian 
                                                                                                      Docteur en Histoire de l’Art
                                                                                                      Blog de l'auteur






mardi 3 avril 2012

Cluny 1120, au seuil de la Major Ecclesia

Exposition temporaire - Paris, Musée National du Moyen Age, Thermes de Cluny



"Sculpté et assemblé dans les années 1120, livré aux marchands de pierre pendant la Révolution, démoli le 8 mai 1810, le grand portail de l'ancienne abbatiale de Cluny III, en dépit de ses dimensions hors normes et de la qualité supérieure de sa sculpture, n'était documenté que par une poignée de représentations graphiques jusqu'à la redécouverte de nombreux fragments lors des fouilles archéologiques du XXe siècle".

L'évocation de ce chef d'oeuvre de la sculpture romane est rendue possible grâce aux travaux menés par l'archéologue américain Kenneth J. Conant entre 1928 et 1950, puis aux fouilles réalisées dans l'avant-nef à la fin des années 1980. L'exposition restitue donc les fruits de ces recherches au public, avec une présentation monumentale des fragments les mieux connus à ce jour. Un volet multimédia, destiné à mettre le grand portail en contexte et à faire comprendre sa composition, son iconographie mais aussi sa polychromie, est également présenté. 

Informations complémentaires : 

jeudi 22 mars 2012

Appel à contribution - Call to papers

Les Cisterciens et la transmission des textes, XIIe-XVIIIe siècle


Un colloque international consacré au rôle des abbayes cisterciennes, et de leurs collections de livres dans l'histoire de la transmission des textes, se tiendra à la Médiathèque du Grand Troyes du 22 au 24 novembre 2012. 


Un appel a contribution est lancé, avant le 15 avril 2012 : Calenda


Le voyage, le logement ainsi que les déjeuners sont offerts aux intervenants. 

Troyes ms. 32, f. 1

An international colloquium dedicated to the role of the Cistercian abbeys, and their bookcollections in the history of the transmission of texts, will be held in the Médiathèque du Grand Troyes (France) in November, 2012. 
A call to papers is thrown before April 15th, 2012 : Calenda - call to papers
Travel, hotel  as well as the lunches are offered to the speakers.