English translation comming soon.
L'importance du thème du
roi biblique enseignant a été démontrée par le précédent article, lequel
concluait par une réflexion sur la notion de préfiguration du Christ, incarnée
par Salomon. L’iconographie christique reste, bien entendu pour l’image
chrétienne, l’archétype majeur des représentations de l’enseignement au Moyen Age.
L’image du Christ
enseignant est une des plus anciennes connues. Présente dans l’iconographie
paléochrétienne, on en trouve un exemple dans la catacombe romaine de Domitille
(IVe siècle).
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Rome, catacombe de Domitille, peinture murale, IVe s. (c) icones-grecques.com
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Vêtu à l’Antique tel un
philosophe au milieu de ses disciples, il leur adresse le message qui n’est pas
le sien, mais celui du Père (« cette parole qui vous entendez, elle n’est
pas de moi mais du Père qui m’a envoyé » Evangile selon saint Jean XIV,
24), comme cet exemple ci-après le traduit bien. Le Christ, debout,
s'adresse aux disciples assis à ses pieds, tandis que le Père muni du globe et
faisant le geste de bénédiction apparaît dans le ciel étoilé.
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Christ enseignant les Apôtres, Bréviaire romain, XVe s., lettrine, Clermont-Ferrand |
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Outre l'enseignement aux
Apôtres, l’iconographie christique est également marquée par le thème du Christ
et des Docteurs. L’iconographie met l’accent sur la vocation de prophète et de
Fils de Dieu, un enfant intelligent capable de mener une réflexion avec des
adultes. Ces images sont comme un prologue de sa vie future. Selon le texte
biblique (Evangile selon saint Luc II, 41-50), Joseph et Marie se rendaient
chaque année à Jérusalem pour Pâques. Alors âgé de douze ans, Jésus resta au
Temple en échappant à la vigilance de ses parents. Ils l’y retrouvèrent trois
jours plus tard, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les
interrogeant. En guise de réponse à sa mère inquiète, Jésus
répondit : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous
pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » [1]
Les représentations de
cet épisode reprennent les codes énoncés précédemment pour l'iconographie de Salomon, avec quelques
éléments supplémentaires à remarquer. Si Jésus est majoritairement assis sur la
gauche de l’image, sur un siège, les Docteurs sont eux aussi assis sur un élément
mobilier.
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Jésus et les Docteurs, Summa Aurea (droit canon), initiale I du livre 3, Nord ou Est de la France, XIVe s, Troyes B. m. ms. 97, f. 177 (c) IRHT |
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Contrairement à
l’iconographie de l’enseignement de Salomon s’adressant à Roboam, les auditeurs
sont plus que des élèves. Plus précisément, ils ne sont pas des élèves. Ils
sont Docteurs, c'est-à-dire savants et philosophes. Ils entament un débat avec
Jésus, qu’ils ne considèrent non pas comme un maître mais avec qui ils entrent
dans une discussion vive. Le plus souvent représenté comme un enfant, il s'adresse à eux afin d'obtenir des réponses à ses questions, tout en soulevant des points important de la religion.
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Jésus et les Docteurs, Heures de Sainte-Agnès de Delft, Pays-Bas, 1450-1460, Romorantin B. m. ms. 2, f. 13v (c) IRHT
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Les gestes le
traduisent : à la miniature de Romorantin (ci-dessus), un des docteurs
fait le geste du comput digitatis (il énumère les arguments en comptant sur les doigts) tandis que d'autres réfèrent aux livres afin de répondre à l'enfant, assis en majesté au centre de l'image ; à l’initiale
du manuscrit de Troyes (ci-dessous), un des savants pose la main sur sa cuisse,
dans un geste d’affirmation de son idée tandis qu’un autre point l’index gauche
et lève la main droite dans un mouvement signifiant la discussion animée. Le
Christ, lui, reste impassiblement centré sur le Livre, posé ostensiblement sur
les cuisses. Les fondements de son enseignement, selon la religion chrétienne, y sont consignés. La hampe verticale de l'initiale I permet à l'enlumineur de séparer deux sphères, deux mondes, celui du Christ et celui des savants. |
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Jésus et les Docteurs, Summa Aurea (droit canon), initiale I du livre 3, Nord ou Est de la France, première moitié du XIVe s, Troyes B. m. ms. 99, f. 158 (c) IRHT
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Habituellement,
cependant, l’iconographie du thème représente l’Enfant assis au centre d’un
hémicycle composé de savants, la Vierge arrivant parfois accompagnée de Joseph. L'iconographie rappelle ainsi les scènes du Christ entouré du collège apostolique, dont l'ivoire du VIe siècle présenté ci-dessus est un exemple. De thème différents (enseignement des Apôtres ; discussion avec les Docteurs) et de chronologie bien distinctes (9 siècles les séparent), l'iconographie reprend pourtant les mêmes codes, les mêmes principes, et finalement, un message similaire de transmission du savoir.
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Giovanni Toscani, Jésus et les Docteurs, panneau de prédelle, tempera sur bois, 1427-1430, Philadelphie, Musée d'Art
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Le prochain article
montrera, à la lumière notamment d’un panneau exposé dans l’exposition Fra
Angelico et les Maîtres de la Lumière (Paris, Musée Jacquemart-André), comment des correspondances
iconographiques s’établissent entre l’image christique et la représentation de
l’enseignement de théologiens.
Pour de plus amples recherches sur les scènes de la vie intellectuelle dans
l’art paléochrétien, voir l’article de Paul-Albert Février [2]
Chrystel Lupant
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