"La culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité"

Partant de cette notion fondamentale exprimée par Gao Xingjian, ce blog a pour but de partager les connaissances dans tous les domaines de l'histoire de l'art occidental.

Des périodes antiques à la période contemporaine, le lecteur est invité au voyage par des articles à vocation scientifique, mais accessibles à tous.

S'interroger, historiciser, expliquer en gardant un esprit critique et humaniser l'histoire au travers des productions et oeuvres sont les critères essentiels de cette page. De nouvelles perspectives naissent ainsi du croisement des regards, des conceptions, de la connaissance des artisanats et des arts.

Rédigé par une docteur spécialisée en iconographie, ATER à l'Université de Poitiers, ce blog a également la volonté d'intégrer de jeunes chercheurs passionnés, désireux de partager leurs connaissances et leurs savoirs par la publication d'articles.



" The culture is not a luxury, it is a necessity " This notion expressed by Gao Xingjian, is the foundation for the blog, who aims at sharing the knowledge in all the domains of the art history. From Antique periods to the contemporary period, the reader is invited in the journey by articles with scientific vocation, but accessible to everyone. Wondering, historicizing, explaining by a critical spirit and humanizing the history through the productions and works are the essential criteria of this page. New perspectives arise from the crossing of the glances, conceptions, knowledges. Drafted by a PhD Doctor specialized in iconography, this blog also has the will to join young researchers, avid to share their knowledges by the publication of articles. English summaries will be proposed (see article : the blog evolves - le Blog évolue)


mardi 29 novembre 2011

"La Cité interdite au Louvre - Empereurs de Chine et rois de France", par Sandrine Krikorian




La Cité interdite au Louvre - 
Empereurs de Chine et rois de France.

Sandrine Krikorian,
Docteur en Histoire de l'Art - Aix-Marseille I

Musée du Palais Impérial, Pékin
Photographie (c) Paris, Musée du Louvre


Du 29 septembre 2011 au 9 janvier 2012, le musée du Louvre accueille une exposition sur la Chine impériale et la France. Voici le texte officiel :

« Les trésors de la Cité interdite font l’objet d’une grande exposition qui présente une sélection de cent trente oeuvres dans trois espaces distincts du musée.
Fruit d’une intense coopération entre la France et la Chine, cette manifestation constitue sans aucun doute un événement majeur des échanges culturels et diplomatiques entre ces deux pays.
L’exposition retrace l’évolution de la Cité interdite selon un parcours chronologique construit autour des grands empereurs qui ont dirigé la Chine du milieu du XIIIe siècle au milieu du XIXe siècle.
Les cent trente oeuvres majeures prêtées par la Chine – peintures, vases, coupes, laques, costumes d’apparat, tenues militaires ou calligraphies – sont mises en perspective avec les figures emblématiques de l’histoire impériale chinoise.
Dans les salles d'histoire du Louvre, l'exposition montre la succession des souverains chinois et, pour chaque période, les échanges qui ont pu exister entre la France et la Chine.
Dans les fossés médiévaux du Louvre, une maquette de la Cité interdite permet de saisir l’ampleur de ce palais surgi ex nihilo de la volonté d’un seul homme, l’empereur Yongle (1403-1424), tandis qu’un montage vidéo évoque en images l’histoire de son architecture.
Sont également présentés dans l'aile Richelieu la salle du trône de l’empereur Qianlong (époques Louis XV et Louis XVI) et les chefs-d’oeuvre qu’il a fait exécuter à la peinture sur soie, en particulier les portraits grandeur nature de ses chevaux. »
Cette exposition est le fruit d’une collaboration entre le musée du Louvre, le musée du Palais impérial de Pékin et le musée Guimet à Paris.
Je vous en propose ici la « critique ». Ou plus exactement je vous expose mes impressions que j’essaie de dépeindre de la façon la plus objective possible dans ce compte-rendu selon mon point de vue d’historienne de l’art et aussi de passionnée d’art français et de culture asiatique.
De très nombreuses œuvres, composent ce parcours chronologique. Certaines d’ailleurs ne peuvent être vues qu’en voyageant en Chine. Et c’est, à mon point de vue, le point fort de cette exposition. Et d’ailleurs, même les œuvres françaises exposées peuvent être une découverte pour le néophyte comme pour l’amateur éclairé. La diversité des œuvres présentées est également à mettre en avant (tableaux, porcelaine, habits, dessins, etc.).
Néanmoins, quelques points m’ont laissé dubitative.
L’exposition se déroule en trois parties (aile Sully et aile Richelieu) et les indications ne sont pas forcément bien précisées à l’entrée. Il est vrai que j’aurais pu me renseigner sur le parcours avant de m’y rendre… Cependant, l’affiche principale indique l’aile Richelieu. Donc, je me suis d’abord rendue à cet endroit pour m’apercevoir qu’il s’agissait de la troisième partie uniquement et qu’il fallait d’abord aller à l’aile Sully. Mais ceci n’est qu’un détail.
Ce morcellement de l’exposition, dû à la quantité notable d’œuvres présentées (c’est pourrait-on dire le revers de la médaille), est regrettable car on est obligé, pendant un instant, de quitter l’ambiance des cours françaises et chinoises pour traverser le hall principal, et donc la foule de touristes et le brouhaha incessant que l’on trouve toujours au Louvre, avant pouvoir de se replonger dans la Chine impériale (ce qui prend un peu de temps).
Un autre point concerne la muséographie de l’exposition. Et avant d’aborder cet aspect, je dois vous prévenir, avant tout, de la très grande attente que j’avais en allant visiter cette exposition (j’ai d’ailleurs fait le voyage à Paris uniquement pour la voir). Aussi, peut-être que mes remarques seront un peu plus subjectives qu’elles ne l’auraient été si je n’étais pas passionnée à la fois par la cour de France et par la culture chinoise.
Ce liminaire étant annoncé, je dois avouer que j’ai eu des difficultés à trouver de façon systématique les liens entre la France et la Chine qui étaient censés être le fil rouge de l’exposition. Ces échanges ne me semblent pas être démontrés avec trop de force. En effet, les œuvres sont, à mon goût, plus mises en parallèle qu’en corrélation directe si l’on excepte quelques éléments. En effet, le seul exemple qui m’ait marquée et que j’ai gardé en mémoire est une petite vitrine qui présente un service en porcelaine et au-dessus un portrait de l’empereur réalisé justement en porcelaine de la même manufacture. Il s’agit pour moi de l’exemple vraiment probant de ces échanges entre la France et la Chine. Mais là encore, peut-être est-ce seulement dû à la façon dont j’avais envisagé l’exposition.
Pour contrebalancer cela, je vous conseillerais plutôt de lire le catalogue de l’exposition. Je ne l’ai pas acheté (contrairement à ce que j’avais prévu au départ) mais je l’ai feuilleté à la fin du parcours et il me semble que l’accent sur les rapports entre les cours françaises et chinoises est mis en avant de façon plus prégnante et, à ce titre, il doit apporter des précisions éclairantes.
Sandrine Krikorian
Translation in English :
« La cité interdite au Louvre – Empereurs de Chine et rois de France ». This is the title of the exhibition which takes place in the parisian museum from the 29th september 2011 to the 9th january 2012. This exhibition is due to the collaboration of the Louvre, the imperial museum at Beijing and the musée Guimet in Paris.
In this article, the art historian and as passionate about french and asian art that I’m, will present my impressions, as objectives as possible, of this exhibition. The number of master pieces and their quality are, with no doubt, the mains and positives aspects of the exhibition. Indeed, a lot of chinese art works can be seen only in China and some of french works can be discovered by neophytes and amateurs.
Neverthless, some aspects less positives can be noted. Three parts are composing the chrolological itinerary and the indications at the entrance are not very well presented. But this is a detail.
Moreover, the third-part choise, due to the enormous quantity of art works, is unfortunate in a pratical way because to go from the « aile Sully » to the « aile Richelieu » we have pass through the noisy hall before going back into the imperial chinese atmosphere which is devoted the third part.
An other point concerns the choice of the presentation of this exhibition. And before going further, I would like to say that I excepted a lot ok it (I went in Paris only in order to see it). So, my remarks can be less objectives than they would be if I wasn’t passionate by French Court and Chinese Culture.
Yet, I had some difficulties in finding systematicaly the links, which should have be the problematic of the exhibition, between France and China. I had the impression, except for some examples, that art works are more presented in an independant way than in correlation each other. Indeed, the only example I remember very well is the presentation of a french porcelain service and a portrait of the chinese emperor realized in porcelain by the same company. This for me, the notable example of links between the two countries and maybe it is only due the perception I had of this exhibition before seeing it.
I would advising to read the exhibition catalogue (I didn’t buy it but I looked at it at th end of the exhibition) in which these links between France and China seem to be approched in a more accurate way and it can give an interessant point of view.
Sandrine Krikorian
Traduzione in italiano :
« La cité interdite au Louvre – Empereurs de Chine et rois de France ». È qui il titolo della mostra che si svolge nel museo di Parigi dal 29 settembre 2011 al 9 genaio 2012. La mostra è la consequenza della collaborazione tra il Louvre, il Palazzo imperiale di Pechino et il museo Guimet in Parigi.
In questo articolo, vorrei presentare le mie impressioni sulla mostra come storica d’arte, della maniera la più obiettiva, ed anche come passionata dell’arte francese e dell’arte cinese. Il numero di opere d’arte et la loro diversità che si trovano nella mostra sono, senza dubbio, il punto più interessante. Di fatto, per vedere una grande parte delle opere cinesi, bisogna andare in Cina. Molte opere francese possono anche essere scoperte dai neofiti e dai intenditori.
Tuttavia, alcuni aspetti meno positivi possono essere notati. Tre parti composano il percorso cronologico della mostra e le indicazioni  non sono parfettamente precisate all’ingresso. Ma questo è un dettaglio.
Di più, la scelta di una mostra in tre parti, a causa del numero delle opere, è un po’ problematica di un punto di vista pratico perché per andare dall’« aile Sully » all’« aile Richelieu », si deve attraversare il corridorio sempre buioso del Louvre e dunque si deve lasciare l’ambiente, durante un instante, ed è un po’ difficile di ritrovarla dopo questa interruzione.
Un’ altro aspetto concerna la presentazione della mostra. Ma dopo andare più lontano, vorrei precisare che avevo un grandi aspettative riguardo alla questa mostra (ho fatto il viaggio a Parigi soltanto per vederla). Dunque, le mie osservassioni possono essere un po’ meno obiettivi che si non ero passionata dalla corte di Francia et dalla cultura cinese.
Devo confessare che avevo difficultà per trovare sistematicamente il collegamento tra i due paesi. Le opere mi sembrano presentate independemente più che studiate in relazione le une con le altre. Gli scambi, che dovreberro essere il punto importante della mostra, non mi sembrano demonstrati con molta forza. L’unico esempio che mi sembrava importante su questo punto è une servizio in porcellana francese presentato vicino a un ritratto dell’imperatore cinese anche in porcellana della stessa fabbrica. È per me l’esempio più interessante della mostra per questa questione degli scambi tra Francia e Cina. Ma forse è soltanto a causa della maniera che avevo pensato la mostra prima di vederla.
Vorrei consegliare di leggere il catalogo (non l’ho comprato ma l’ho guardato alla fine della mostra) perché sembra studiare con più dettagli questi rapporti tra le due corti e dunque può dare un sguardo interessante sur question questione.
Sandrine Krikorian





vendredi 25 novembre 2011

Avis de Conférence : « L’historien produit-il la vérité du passé ? »

Information

Nicolas Offenstadt, photo internet 
memoiredeladeportation71.over-blog.com

Lors d’une conférence proposée à Marseille le 15 décembre prochain, Nicolas Offenstadt, maître de conférences à l’Université de Paris-Sorbonne I, s’interrogera sur le sens à donner au travail des historiens, avec une question centrale :


"Aujourd'hui les historiens sont sans doute moins sûrs de leurs méthodes et de leur science qu'il y a quelques décennies, s'interrogeant sans relâche sur leur subjectivité, leur goût du récit et sur leurs débats internes. Ils sont eux aussi - et mieux- conscients d'être le produit de leur temps. Comment dès lors articuler une vérité universelle et un historien situé dans son époque et dans ses luttes ? Cette question est d'autant plus brûlante que les infamies négationnistes rappellent combien dire le vrai est un enjeu moral de première importance. tout comme les usages politiques de l'histoire montrent que la tâche de vérité ne peut être abandonnée mais doit sans cesse être repensée". 

Renseignements : conférence donnée le jeudi 15 décembre 2011 à 18h45 à l’Hôtel du Département – Conseil Général des Bouches-du-Rhône (Marseille) dans le cadre des « Échanges et Diffusion des Savoirs : Miracles et mirages de la représentation. Vérité, fiction, connaissance II ».

Entrée libre sans réservation, dans la limite des places disponibles.

Informations : 04 96 11 24 50 ou contact@des-savoirs.org
D’autres conférences sont programmées (voir www.cg13.fr) : 
- Le 02 février 2012 : Marylène Patou-Mathis, Le regard de l’Occident sur l’autre lointain : le sauvage et le préhistorique.
- Le 09 février 2012 : Jacques Rancière, La politique de la fiction.
- Le 23 février 2012 : Sophie Klimis, La fabrique platonicienne du « mythe ».
- Le 15 mars 2012 : Jean Iliopoulos, Le concept de l’espace en physique microscopique : notion mathématique ou réalité physique ?
- Le 22 mars 2012 : Jacques Bouveresse, La littérature, la vérité et la connaissance.
- Le 12 avril 2012 : Frédérique Aït-Touati, La vérité des fables : fiction et savoir à l’aube de la modernité.
- Le 19 avril 2012 : Nancy Huston, Fabuler.
- Le 10 mai 2012 : Marcel Gauchet, Quelle crise de la représentation ?



Notice of Conference: "Does the historian produce the truth of past? "

During a conference proposed in Marseille on December 15th, Nicolas Offenstadt, historian lecturer at the University of Paris-Sorbonne I, will wonder about the sense to be given to the work of the historians, with a main question : how can we articulate the universal truth and the historian in his period and in his fights?
Information: the conference will be given on Thursday, December 15th, 2011 at 6:45 pm, at the Hôtel du Département – Conseil Général des Bouches-du-Rhône (Marseille-France) in the entities « Échanges et Diffusion des Savoirs : Miracles et mirages de la représentation. Vérité, fiction, connaissance II ».
More information and programm of the other conferences : see above. 



Chrystel Lupant

jeudi 24 novembre 2011

Anish Kapoor à Venise, ou comment proposer une réflexion sur l'invisible


Sacred Space

Le travail artistique d’Anish Kapoor, artiste d’art contemporain d’origine indienne et fait Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique en 2003, est marqué par la simplicité des formes, souvent incurvées et monochromatiques. D’esprit mystérieux, ses œuvres suscitent intérêt et étonnement par leur taille gigantesque et la fascination qu’elles exercent.

Dans l’église vénitienne des Bénédictins de San Giorgio Maggiore, l’artiste a installé dans la croisée du transept des rideaux violets, couleurs du deuil. Une structure a été positionnée dans le pseudo-baptistère, depuis laquelle s’échappent parfois une colonne de fumée s’élevant vers la coupole, guidant le regard du spectateur vers le ciel. Le contexte de l'église se prête au jeu des questionnements... Descente sur terre de la lumière divine, image de l’ascension (chrétienne avec le Christ et la Vierge, musulmane avec le Prophète, hébraïque pour Elie, etc.) ou interrogation sur les principes naturels nous entourant (invisibilité de notre oxygène),  ces jets de vapeurs s’élèvent en volutes élégantes. L’œuvre est une ode à l’immatériel, au souffle, qu’il soit entendu au sens d’une religion (chrétienne, musulmane, hébraïque) ou au sens religieux (au sens large de lien, selon l’étymologie du mot). Anish Kapoor, quel que soit nos convictions et nos croyances, nous interroge sur l’immatériel et sa représentation … une manière de montrer l’invisible et de dire l’indicible. 

vidéo de l'oeuvre : http://youtu.be/67MNFmjcVxs


Anish Kapoor in Venise : how to propose a question about invisible matters
The artistic work of Anish Kapoor is marked by the simplicity of the forms, often curved and monochromatic. Of mysterious spirit, its works arouse interest and surprise by their gigantic size and the fascination they exercise.
A structure is installed in the Venetian church of the Benedictines de San Giorgio Maggiore. It is positioned in the pseudo-baptistry, since whom escape sometimes a column of smoke, rising towards the dome and guiding the eyes of the spectator towards the sky. Descent on earth of the divine light, image of the ascension (Christian with the Christ and the Virgin, Moslem with the Prophet, Hebraic for Elie, etc.) or interrogation on the natural principes surrounding us, these jets of vapors rise in elegant volutes. The work is an ode in the immaterial, the breath. Anish Kapoor, whatever our convictions and our faiths, questions us about the immaterial and its representation … by a way of showing the invisible and of saying the unspeakable. 

jeudi 17 novembre 2011

Soutenance de thèse


Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

J'ai l'honneur de vous signaler ma soutenance de thèse d'Histoire de l'Art médiéval, intitulée "Etude iconographique d'une relation : saints, disciples et compagnons (XIe - fin du XVe siècle)".

Fondée sur l’analyse d’un corpus d’œuvres produites entre le XIe et la fin du XVe siècle, majoritairement en France et en Italie, l’étude a la volonté de déterminer comment se sont exprimés les liens dans la filiation et la parenté spirituelle, construite autour d’une relation unissant les saints à leurs disciples ou compagnons privilégiés. Depuis la naissance de la relation jusqu’à son aboutissement, elle détermine les fonctions respectives des personnages à la lumière de leur élection, de leurs actions et de leurs comportements. L’analyse s’interroge également sur la finalité du «discipulat» ou du compagnonnage et sur la représentation de la dimension affective entre les personnages. Rappelant le modèle christique et apostolique, la représentation de la relation est un thème distinct, dont l’analyse révèle l’importance d’un genre de parenté spirituelle souvent oublié.

La soutenance se tiendra ce samedi 19 novembre 2011, à Aix-en-Provence. 

Suite à celle-ci, un article consacré à ma thèse sera publié sur ce blog. 

Subiaco, Sacro Speco, église inférieure/lower church
Maestro Conxolus & co., Le sauvetage de Placide/Rescue of Placidius, 
1250-1299, fresque/fresco
(c) Chrystel Lupant


Ladies and Gentlemen,

I am honored to indicate you my Phd defense, entitled "iconographic Study of a relation: saints, disciples and companions (XIth - end of the XVth century)".

Established on the analysis of a corpus of works produced between the XIth and the end of the XVth century, mainly in France and in Italy, the study has the will to determine how the links in the filiation and the spiritual relationship expressed themselves, built around a relation uniting the saints to their disciples or privileged companions. Since the birth of the relation until her outcome, the study determines the respective functions of the characters in the light of their election, of their actions and of their behavior. The analysis also wonders about the end of the "discipulat" or the trade guilds and about the representation of a emotional dimension between the characters. Calling back the Christlike and apostolic model, the representation of the relation is a different theme ; the analysis of which reveals the importance of a genre of spiritual relationship often forgotten.

The Phd defense will be held on Saturday, November 19th, 2011, in Aix-en-Provence.
Further to this one, an article dedicated to my thesis will be published on this blog.



AVIS DE SOUTENANCE : Mention Très Honorable
NOTICE OF PhD DEFENCE : summa cum laude Distinction



vendredi 11 novembre 2011

Crossing of time and time found again in Avignon, First Part by Audrey Courtin ; Version en Anglais de l'article "Traversée du temps et temps retrouvé en Avignon, première partie" par Audrey Courtin



Crossing of time and time found again in Avignon
1st part

Article and translation by Audrey Courtin
Second nevel Master Art History


(Article "Traversée du temps et temps retrouvé en Avignon, première partie", traduit par son auteur)



The Popes' Palace and the Bridge Bénezet are not the only tourist assets of the papal city, Museums are many there. Now, there are two very different exhibitions very different to see. Until November 20th, the Foundation Lambert produces “The time found again. Cy Twombly and guests”. Yearly, the Foundation Yvon Lambert (collector and gallery owner since the 60s) organizes, from his collection of contemporary art and lendings, three exhibitions.
Photo L'Internaute Magazine /Tiphaine Bodin

Cy Twombly, after Blooming, in 2007, wished to collaborate again with The Foundation Lambert. He wanted to be associated as commissioner of exhibition and to be the chief guest as photographer. (He had never exposed his photos in France). Symbolically, the chosen works show a self-portrait of Cy Twombly. The American artist [born Edwin Parker Twombly on April 25th, 1928 in Virginia, and died on July 5th, 2011 in Rome, less than a month after the inauguration of the exhibition] chose to be called Cy (diminutive of Cyrius), nickname of his father, famous player of baseball in his days. It was a first symbolic act for a man who likes to pay tribute to people who he loves and admires, such the twenty artists in this exposition. Twombly chose some works of great artists of the art history of the XIXth and of the XXth century who was, as him, painters and photographers (Degas, Bonnard, Vuillard) or sculptors and photographers (Rodin, Brancusi). To join an artistic filiation. And he chose some works of important photographers and artists who create performance-based videos he likes (Lartigue, Diane Arbus, Ground Witt, Ed Rusha, Sugimoto, Cindy Sherman, Sally Mann, David Claerbout, Douglas Gordon, Christian Boltanski).
The exhibition produces comings and goings between the end of the XIXth century to these days, between timeless Europe and America of the 1960s to nowadays, between the art history and the intimacy of an artist. In the first one, we may see the end of the XIXth and the Modernity in Europe. In the floor, in the 1st room, some photographs representing Auguste Rodin's sculptures in his studio are hung up. He retouched, annotated, repainted with ink and watercolour these images created by Charles Bodmer, Victor Pannelier and Eugène Druet. Rodin had invited them, in the 1880s, to illustrate the stages of his work for the press. Later, he re-appropriates these pictures: a strange poetry comes from them. Douglas Gordon (born in 1966) pays tribute to Cézanne and to Monet with an installation: some skulls becoming some water-lilies, on the murmur of the water. Like a reminiscence of Vittorio De Sica’s the Garden of Finzi-Contini, (Twombly likes a lot this movie). This work about the appropriation of some pictures enables to evoke the beauty of works of past. Dissatisfied by photos took by professionals, Brancusi himself photographed his sculptures. By a work on the underexposure he expresses the importance of the light to understand his sculptures.
Twombly chose some works of contemporary America. He lived, since 1959, in Italy, at Gaeta. With the exposed works; we see his linking for the repetition and the accumulation. In the 50s, Robert Rauschenberg, a very close friend, offers one photo created by Eadweard Muybridge (1830-1904) to Twombly. In 1878, Muybridge is known for his pioneering work on animal locomotion (the motions of the horse when he trots) which used multiple cameras to capture motion. The Gift of Rauschenberg is exposed with other works. These series of photos of models in movement are scientific and artistic. These works divide the time and the space intot aesthetic moments. Sol LeWitt (1908-2007) is a major minimalist and abstract American artist. He inventories the objects of the everyday life. On occasion of a removal from Brooklyn to Manhattan he listed every object of his apartment : blankets, art books about the artistic revolution of its time, records revealing his passion for Mozart. Edward Ruscha (born in 1937) presents a wall of black and white images of oversize, inhuman, almost empty parkings. The themes, the technique and the absence of style are commonplace. But the resultat is graphic and fascinant. Hiroshi Sugimoto (born in 1948 in Japan) exposes three immense photos representing smooth seas and skys of a high abstract and philosophic depth. These horizons steep us in a time without end that Twombly likes. These photos representing seas echo the last photos of Twombly. The works of Sugimoto are part of series of whom the themes are various. The repetition in the photos by these four artists betokenes the series, the obsession of the theme and the talent to use all the kinds of creation in the works of Twombly. Cindy Sherman (born in 1954) exposes some works from her series of self-portraits. These photos are more an abstract quest than an introspection. She wears various costumes and poses in various attitudes in her photos to question  the place of the woman, her identity and her representation in the American society of the 60s in our days. She criticizes, particularly, the image and the role assigned to American woman of the 60’s and 70’s.
At the second floor some works evoke France of the 1st ½ of the XXth century and the sphere of the private life. In 1915, Sacha Guitry produces a documentary film in black and white, Those from our country: he interviews, at home, some major artists of the art of the XIXth. We can hear Auguste Rodin (1840-1917), Claude Monet (1840-1926), Edgar Degas (1834-1917) and Auguste Renoir (1831-1915). Next, some photos taken by four great painters are exposed: the subjects are similar to those of their paints. Degas takes photographs during the last years of his life. He is the first modern artist who he paints according to the photographic image, for example these three radiant dancers whose he gets the movement of shoulders, with the sensuality of the pastellist. He combines structure and movement. Twombly was interested in “nabis”. In his painting practice, we can see the use of large stroke of brush with unalloyed colours, the use of high light, the use of false perspective and he likes the decoration and the symbolism. The last floral paints of Pierre Bonnard (1867-1947) inspired very much the peonies of “Blooming” painted by Twombly. The subjects of the photos and the paintings created by Bonnard are the same: merry and simple family scenes (a lunch, a nap, a bathing), and intimate subjects, nudes at the toilet, (for example. Marthe in the tub, his wife). The snap-shot enables to watch in his black and white pictures the same sense of a free and audacious composition, the same propensity for a feeling of ornamental harmony, and the same relish for lively and graceful gesture as in his paints. Edouard Vuillard (1868-1940) depictes still-lives, interior, domestic spaces and decorative panels of landscapes. Also, his photos fix commonplace scenes of every day and fix subjects which move the pure representation (for example: A woman of back with a hat) by moved centrings stemmed from the “japonisme”. From 1890, Maurice Denis (1870-1943) photographs, ardently, some festive moments of his life, fleeting memories of the everyday life and the intimate evolution of the members of his family. In the next room, the photos fixed by Jacques-Henri Lartigue (1894-1986), born in an upper-class, represent his favourite theme: the universe of his omnipresent family (hobbies, sports, holidays…). 16 double pages of his teenager's diaries (of 1911 and 1912), 20 photos with their sketches at the bottom of the page and 10 stereoscopic views (among 5 000 created from 1902 till 1928) are exposed. Lartigue wants to fix the movement. He thinks the photography could “catch” the life and operate the miracle “to find the lost time" like Proust. These autobiographical photos display the childish emotion by vivid memories of leisure and of arch moments. He uses snap-shot and various and original angles of shooting. In this 1st ½ of the XXth century, these artists made use of the photography as more and more numerous amateurs (to fix private moments) because its practice becomes more democratic, but with a more developed aesthetic feeling!
Let’s meet some American and European artists of the 2nd ½ of the XXth century who refer to the tradition or who work about the notion of time. Diane Arbus (1923-1971) reinvents the documentary and urban style of masters of the 30s. After 1962, she imposes her own style by photographing, in New York, in black and white, full-length and full-face, without staging, many deviant and marginal people: transvestites, mentally handicapped persons, circus performers, dwarfs, giants… (People whose normality seems ugly or surreal). She mixs the familiar with the bizarre to draw up a disturbing image of America of the 60s . David Claerbout (born in 1969) is a Belgian artist working in the media of photography, video, sound, drawing and digital arts. His work exists at the meeting point between photography and filmic image, to create works constituted by a simple static plan or by series of pictures making an impression of movement. He presents two installations which the subjects are time and space. The first installation is an old black and white postcard representing a secular tree and far away a wind-mill. This iconic image of a landscape which could be Impressionist or Pictorialiste was edited (with a great virtuosity in the passage between the fixed image and the image in movement) to give the illusion of the rustle of the leaves of the immobile tree. Claerbout is also very heedful of the light in his slow and repetitive works, so that the spectators are captivated and so that the time seems to them be stopped. He evolves a thought on the viewpoint. His installations tell a story. For example, the second is an immense video which shows , in front of a house, an old woman sleeping in a rocking chair which rocks eternally. We see overleaf her back and a landscape in front of us.The illusion is perfect ! The spectators seem to see a true person, in a state of the South of the United States (maybe the Virginie where Twombly is born). These two works pleased me very much by their mysterious, poetic, meditative and melancholic aspect. Christian Boltanski (born in 1944) is French photographer, sculptor and film maker. His works question the limits between absence and presence, the memory and the unconscious. His installation, the staircase of the black images, evokes recollections which disappear: old portraits coming from a manor-house fade till turning into black frames.
Sally Mann (born in 1951) is an American photographer. She is born at Lexington, Virginia (like Twombly) and she always lives in this city. Twombly had a house and a studio there where every year he came. And he met her there. She became a close friend. She was the first artist invited for the exhibition. She lives and works in her big property in the wood of hills "Blue Ridge Mountains" near Lexington. She develops the large black-and-white photos she makes in a personal laboratory in his house. Her favourite subjects are intimate images of her life, the members of her family, the close friends, the nature around, strange landscapes, centred faces too much which become disturbing... Thanks to utilization of deep contrasts in her photos, sensuality and mystery emanate from these subjects. Her works, so different to those of Cy Twombly, illuminate by opposition the gloomy side of this solar artist.
In the last rooms, many photos (took between 1951 and 2011) of Twombly are presented for the first time in France. Before, we can tell about the modesty and the poetry of all his work he created out of the main movements of the American art. In 1957, Twombly moved in Italia and he lived at Gaeta near Rome till his death, refusing all the interviews. The first room evokes the stay int Black Mountain College, in 1951 and 1952, where he studied with Franz Kline, Robert Motherwell, and met the musician John Cage, the choreographer Merce Cunningham etc, He realized photographic portraits of these friends and took still lives where the time is stopped. In the second room; the photos of interior of palace in Rome and his home at Gaeta are exposed. References to the art history are all over the place: books, furniture, works of art (antique busts, picture of Picasso, neo-classic sculpture of Pan photographed under several angles). We could believe we are in a movie of Visconti like The Leopard, senso... In the 3rd room the spectators can see photos in black and white or in colors: still-lives with bunches of grapes, petals of tulips and leaves of lemon tree. We think about the art of Murillo and Chardin. In the 4th room, photos of landscapes and still lives with rich colors (carmine red of peonies, vivid orange of roses, intense yellow of carnations) are presented. They sometimes evoke vanities (walnuts, fallen petals). In the 5th room, photos took in 2007, at the time of a stay between Boston and Lexington, are exposed. Twombly photographed the shop windows of stores with showy toys, and the studio of her friend Sally Mann (by testing some angles and lightings). Three self-portraits catch the eye by the strength of their expression. The blurred effect makes them ghostly. In the 6th room, photos represent his daily universe: studio, brushes, pails of colors. In one picture, his slippers, far from any aesthetic speech, display the hours spent to paint (blobs cover them completely). The last room pays tribute to the Mediterranean Sea. Everyday, In Gaeta, Twombly went to the restaurant Miramar. And he photographed, with his Polaroid, an always different sea: empty and lonely the winter, and with the beach covered with swimmers the summer
Through this visit in a great museum of contemporary art, among works of two centuries and two continents, we can determine the themes which move closer to Cy Twombly of his guests: the time which spends, the nostalgia, the recollection of the beauty of works of past, the series and the obsession of themes. The fate wanted that as France discovered 120 of his photos to the languid or evanescent beauty, Cy Twombly died. This exhibition became his artistic will.
Audrey Courtin 

vendredi 4 novembre 2011

"Traversée du temps et temps retrouvé en Avignon. Première partie", par Audrey Courtin



Traversée du temps et temps retrouvé en Avignon

Première partie

par Audrey Courtin
Niveau II Master Histoire de l'Art

Le Palais des papes et le Pont Bénezet ne sont pas les uniques atouts touristiques de la cité papale, les musées y sont nombreux. En ce moment, deux belles expositions très différentes l’une de l’autre sont à découvrir. Elles témoignent du dynamisme et de la diversité culturels de la ville. « Le temps retrouvé. Cy Twombly et artistes invités » est présenté, jusqu’au 20 novembre, à La Fondation Lambert installée en 2000 dans l'hôtel de Caumont entièrement rénové à cet effet. La fondation d’Yvon Lambert (collectionneur et galeriste depuis les années 60) y organise, à partir de sa collection d’art contemporain et de prêts, trois manifestations annuelles qui permettent de pénétrer à chaque fois plus avant la collection et de redécouvrir le lieu qui l'accueille à l'occasion des changements de scénographie et de parcours rendus possibles par le caractère modulable des 2.000 m2 de superficie.
Photo L'Internaute Magazine /Tiphaine Bodin

Ami de longue date d'Yvon Lambert, Cy Twombly, après Blooming, en 2007, a souhaité retravailler avec la Collection Lambert, et, en plus d’être l’artiste invité en tant que photographe (activité méconnue), d’être le commissaire d’exposition associé. Les choix artistiques, qui peuvent sembler hétéroclites, livrent un autoportrait en creux et donnent une lecture nouvelle à l’œuvre foisonnante de l’artiste américain, né Edwin Parker Twombly le 25 avril 1928 en Virginie,  et décédé le 05 juillet 2011 à Rome (moins d’un mois après l’inauguration de la manifestation). Très vite il se rebaptise Cy (diminutif de Cyrius), surnom de son père, joueur de base-ball célèbre à son époque, dans un 1er geste symbolique important pour un homme naturellement porté à rendre hommage aux gens qu’il aime et admire, telle la 20aine d’artistes réunis dans cette exposition au titre proustien. Comme autant de filiations artistiques, Twombly nous propose des oeuvres de grands noms de l’histoire de l’art du XIXe et du XXe siècle, à la fois, à son image, peintres et photographes (Degas, Bonnard, Vuillard…) ou sculpteurs et photographes (Rodin, Brancusi…). Et des œuvres d’importants photographes et plasticiens qu’il affectionne (Lartigue, Diane Arbus, Sol le Witt, Ed Rusha, Sugimoto, Cindy Sherman, Sally Mann, David Claerbout, Douglas Gordon, Christian Boltanski…).

La visite est faite de va-et-vient entre la fin du XIXe siècle à nos jours, entre une Europe atemporelle et l’Amérique des années 1960 à aujourd’hui, entre l’histoire de l’art et celle de l’intimité d’un artiste. En 1er lieu, abordons la fin du XIXe et la Modernité en Europe que Twombly a approchées dès son enseignement artistique. À l’étage, dans la 1ère salle, sont accrochés des clichés représentant des œuvres d’Auguste Rodin dans son atelier. Ce dernier a retouché, annoté, repeint à l’encre et à l’aquarelle ces photographies réalisées par Charles Bodmer, Victor Pannelier ou Eugène Druet, qu’il avait invités, dans les années 1880, à illustrer les étapes de son travail pour les diffuser dans la presse. Rodin, plus tard, les récupère et se les réapproprie. Une poésie étrange s’en dégage alors. Une installation du vidéaste Douglas Gordon (né en 1966) rend hommage à Cézanne et à Monet avec des crânes de vanités devenant des nymphéas flottant sur fond de clapotis d’eau, dans une sorte de réminiscence du Jardin des Finzi-Contini de Vittorio De Sica, (référence cinématographique chère à Twombly). Ce travail sur l’appropriation d’images permet d’évoquer, en esthète, la beauté d'œuvres du passé. Puis quelques unes des célèbres photographies (500 négatifs et 120 clichés) que Brancusi a lui-même faites de ses œuvres dans son atelier, insatisfait de celles réalisées par des professionnels, sont montrées. Connaissant intrinsèquement ses sculptures, il nous donne à ressentir l’importance de la lumière pour les appréhender, par un travail sur le flou et la sous-exposition.Place à l’Amérique contemporaine des créations de Twombly qui s’installe, en 1959, en Italie. (Il vécut jusqu'à son décès entre Rome et Gaeta, entrecoupé de séjours annuels à Lexington, sa ville natale). Et au goût de la répétition et de l’accumulation. Dans les années 50, Robert Rauschenberg (ami très proche rencontré en 1947), offre à Twombly, une des oeuvres d’Eadweard Muybridge (1830-1904). rendu célèbre, en 1878, par son étude, à partir de 12 appareils photographiques, de la décomposition des mouvements du trot du cheval. L’œuvre offerte est exposée avec d’autres. Ces suites de représentations de modèles, entre science et art, scindent le temps et l’espace en instants esthétiques. Artiste américain minimaliste et conceptuel majeur, Sol Le Witt (1908-2007) inventorie les choses de la vie. A l’occasion d’un déménagement de Brooklyn à Manhattan il a répertorié avec méthode chaque élément de son appartement : des prises de courant aux couvertures, des livres d’art exprimant la révolution artistique de son temps (où New York supplante Paris comme centre de l’art) aux disques révélant sa passion pour Mozart. Plus listes à la «Je me souviens» de Pérec, qu’Inventaire à la Prévert ! Edward Ruscha (né en 1937 au Nebraska) présente un mur d’images en noir et blanc au graphisme plaisant qui dessine une géographie de parkings surdimensionnés, inhumains, quasi vides. Ces photographies (telles celles destinées à ses livres d'artiste inspirés par la vie américaine marquée par l’urbanisme à outrance et la surconsommation et qui ont marqué à la fois le pop art et l'art conceptuel des années 60) revendiquent leur banalité dans le thème, dans la technique et dans la recherche d'absence de style. Mais le résultat est fascinant. Fascination également éprouvée face aux trois immenses photographies d’Hiroshi Sugimoto (né en 1948) de marines. Du temps d’exposition extrêmement long résultent ces mers d’huile et ces cieux d’une profondeur conceptuelle et philosophique intense, contredisant l’idée reçue selon laquelle les appareils photo montrent toujours la réalité brute ! Ces horizons marins nous plongent dans un temps suspendu cher à Twombly. Tout comme le choix de marines fait écho aux dernières photographies visibles de l’artiste américain. Toute l’œuvre de Sugimoto est faite de séries aux thèmes différents. Chez ces quatre artistes, la photographie comme acte répétitif annonce dans l’œuvre de Twombly les séries, l’obsession du thème et le talent de maîtriser toute forme de création. Quant à Cindy Sherman (artiste new-yorkaise née en 1954), elle présente des œuvres tirées de ses séries d'autoportraits, réalisés depuis 1977, qui relèvent moins de l’introspection que d’une recherche conceptuelle. Elle sert de modèle à ses clichés dans lesquelles elle se met en scène dans des costumes et des attitudes variées. Car depuis 35 ans, elle mène un questionnement sur la place de la femme, son identité et sa représentation dans la société américaine des années 60 à nos jours. Elle critique tout particulièrement l'image et le rôle assigné à l’américaine moyenne des années 60-70. Elle mène aussi une réflexion sur le medium photographique en rapport avec la peinture. Son œuvre est influencée par de nombreux et différents types d'illustrations : de l'image picturale et cinématographique à l'image de publicité, de magazine ou à l'image érotique.

   Montons au second étage plonger dans la France de la 1ère ½ du XXe, pour évoquer la sphère de l’intime. Tout d’abord, les 22 minutes tournées en 1915 du film documentaire en noir et blanc de Sacha Guitry Ceux de chez nous (dont la version finale, remaniée en 1952, dure 44 minutes et dont la première sonorisation date de 1939) sont de très rares images animées de quatre figures majeures de l’art du XIXe que Guitry est allé interviewer chez elles. Véritable ode aux grands hommes de la France. Apparaissent successivement Rodin (1840-1917) dans son atelier qui ne saisit pas qu’il est filmé, Monet (1840-1926) à Giverny qui refuse le fétichisme qu’il suscite, Degas (1834-1917), perdu dans son monde des grands boulevards et Renoir (1831-1915), devant son chevalet, qui ne peut peindre sans son fils qui chaque jour accroche à l’aide de bandes le pinceau aux doigts déformés par les rhumatismes. Viennent ensuite des clichés, aux sujets similaires à ceux de leur œuvre picturale, de quatre grands peintres. La pratique photographique tardive et limitée dans le temps de Degas nous plonge cependant au cœur de ce qui fit sa vie d’artiste pendant laquelle il n’eut de cesse de concilier dessin et couleur, structure et mouvement dans une synthèse idéale entre ses maîtres Ingres et Delacroix. Il fut le premier artiste moderne à peindre d’après l’image photographique, comme l’on peut voir avec ces trois danseuses rayonnantes dont il capte notamment un jeu d'épaules avec la sensualité du pastelliste. Le mouvement nabi a toujours intéressé Twombly qui, en partie, dans sa pratique picturale, a pu se retrouver dans l’usage de grands aplats de couleurs pures, la lumière prédominante, la perspective absente ou fausse, la logique décorative et symbolique. Une filiation existe avec Pierre Bonnard (1867-1947) dont les dernières peintures florales ont beaucoup inspirées les pivoines sur panneaux de bois de Blooming. Les photographies du nabi offrent une grande similitude de sujets avec ses tableaux : des scènes familiales faites de joies simples (un déjeuner, une sieste, une baignade…) : la sublimation du quotidien. Mais aussi des sujets intimes, des nus à sa toilette, (par ex. Marthe au tub, son épouse rencontrée en 1893). On retrouve dans ses clichés en noir et blanc un même sens de la composition libre et audacieuse, le même penchant pour un sentiment d’harmonie décorative, et le même goût du geste vif et gracieux restitué en photographie par la technique de l’instantané. Edouard Vuillard (1868-1940) s'intéresse aux natures mortes et aux intérieurs domestiques aux atmosphères intimistes et peint de nombreux panneaux décoratifs de paysages japonisants. De même, dans ses tirages, il capte de banales scènes de tous les jours (comme ½ siècle plus tard Ed Ruscha ou Sol LeWitt traquent une morne répétitivité du quotidien) et saisit des sujets qui déplacent la pure représentation (Une femme chapeautée vue de dos…) notamment par des cadrages décalés issus du japonisme. La peinture (inspirée par Gauguin, l’art sacré, la poésie symboliste…) de Maurice Denis (1870-1943) est assez différente des sujets qu’il fixe, à partir de 1890, dans une joyeuse ferveur, dans ses photographies: moments festifs de la vie, souvenirs fugaces du quotidien, évolution intime des membres de sa famille. Une salle entière est consacrée au génial Jacques-Henri Lartigue (1894-1986) issu d’un milieu très bourgeois où l’univers familial était omniprésent et a toujours était le sujet principal de ses travaux. Sont présentées 16 doubles pages de ses agendas d’adolescent, de 1911 et 1912, et une 20aine de photographies en regard de croquis, réalisés en bas de la page, des clichés pris à l’instant, avant qu’ils ne soient développés. Ces esquisses rapides témoignent d’une mémoire et d’un œil précis. Sont aussi proposées 10 vues stéréoscopiques, parmi les 5 000 réalisées entre 1902 et 1928. Lartigue était convaincu que saisir le mouvement et restituer le relief dans le même temps démontrait que la photographie pouvait retenir la vie, opérer le miracle proustien de « retrouver le temps perdu ». Ces clichés autobiographiques restituent l’émotion enfantine à travers des souvenirs précis de loisirs et de moments partagés où l’espièglerie règne souvent. Enfant, Lartigue multiplie les expériences consistant à faire faire un looping à un lapin dans un toboggan de sa fabrication, à flotter dans l’eau grâce à une combinaison bricolée etc. Ces défis à l’apesanteur permettent de jouer sur les angles de prises de vue et sur l'instantané. Ayant une formation de peintre, Lartigue n’a jamais négligé les règles de composition et s’est créé une esthétique propre. Dans cette 1ère ½ du XXe, ces artistes ont donc fait de la photographie le même usage que des amateurs de plus en plus nombreux tandis que sa pratique se démocratise, mais avec un sens esthétique pointu !

L’on retrouve des artistes américains et européens de la 2e ½ du XXe bâtissant des passerelles avec la tradition ou travaillant sur la notion du temps. Diane Arbus (1923-1971) a réinventé le style documentaire et urbain des maîtres des années 30. Après 1962, dans le format carré du 6x6, elle impose son style propre, en tirant le portrait, à New York et ses alentours, en noir et blanc, de pied et de face, sans apprêt ni mise en scène, de gens hors norme : travestis, handicapés mentaux, personnages de cirque… rencontrés au gré de ses pérégrinations incessantes. Avec fascination mais toujours respect. En mélangeant le familier avec le bizarre, elle dresse un portrait troublant de l'Amérique des années 60 et révèle l’envers du décor, celui des éternels marginaux et laissés pour compte. David Claerbout (né en 1969) est un vidéaste et photographe belge. Il travaille à partir de vidéos et de photos pour créer des oeuvres constituées d'un simple plan fixe ou de séries de clichés donnant une impression de mouvement. Il présente deux installations (l’une à cet étage et la seconde au rez-de-chaussée) qui s’inscrivent parfaitement dans la thématique de l’exposition puisque le temps et l'espace sont des points d’ancrage. La 1ère est réalisée à partir d’une carte postale ancienne en noir et blanc représentant un arbre séculaire et au loin un moulin à vent. Cette image iconique d’un paysage qui pourrait être Impressionniste ou Pictorialiste a été « montée » plusieurs fois (avec une grande virtuosité dans le passage entre l’image fixe et l’image en mouvement) afin de donner l’illusion du bruissement des brasées de feuillage de l’arbre inanimé. Très attaché à la composition formelle, Claerbout soigne également les rapports à la lumière dans ses oeuvres lentes et répétitives, afin que le spectateur soit captivé, porte un regard méditatif et que le temps lui semble suspendu (alors que la vidéo tourne imperceptiblement en boucle). Il développe ainsi une réflexion sur le regard et le point de vue. Il utilise parfois des procédés narratifs dans ses suites de photos. Comme dans sa deuxième installation : immense vidéo recto-verso qui montre, devant une maison, une femme âgée assoupie dans un rocking-chair qui se balance perpétuellement. Au verso nous la voyons de dos, un paysage s’ouvrant devant nous. L’illusion est parfaite ! Le spectateur a le sentiment de se trouver auprès d’une véritable personne, dans un état du Sud des Etats-Unis, comme la Virginie de Twombly. Mais tout n’est qu’artifice : le fauteuil, la terrasse, le paysage, la femme n’ont jamais existés. Ces deux installations m’ont énormément séduites par leur aspect mystérieux, poétique, méditatif et mélancolique. Christian Boltanski (né en 1944) est un plasticien français qui questionne la frontière entre absence et présence, la mémoire et l’inconscient. Son installation : l’escalier des images noires évoque une mémoire défaillante. Les vieux portraits d’une aile d’un vieux manoir se sont fanés au point de ne transmettre que des cadres noirs et tristes très peu éclairés.

Amie de Twombly qui la considérait comme « la plus grande portraitiste américaine d’aujourd’hui », Sally Mann (née en 1951), est aussi de Lexington, en Virginie. Elle y vit et y travaille dans sa grande propriété isolée dans les bois des collines Blue Ridge Mountains. Twombly y possédait une maison et un atelier où il se rendait chaque année et l’y a rencontrée. Elle a été la 1ère artiste invitée de l’exposition. Elle travaille elle-même ses épreuves, le plus souvent en noir et blanc et en grand format, dans son laboratoire personnel. Elle réalise ses prises de vue surtout en extérieur. Ses sujets de prédilection sont les membres de sa famille et ses amis proches, la nature qui l'entoure, des paysages somptueusement étranges, des visages inquiétants d’être un peu trop cadrés etc. Ses photographies jouent sur des contrastes profonds, conférant à des sujets de la vie quotidienne un caractère sensuel et mystérieux. Ses œuvres, si éloignées de celles de Cy Twombly, éclairent par opposition la face sombre d’un artiste solaire. Voilà enfin les sept dernières salles, celles consacrées aux photographies de Twombly, présentées pour la 1ère fois en France, alors que les premières datent de 1951 et que les dernières ont été réalisées en 2011 ! L’on peut déjà rappeler d’une façon générale la modestie et la douceur poétique qui imprègne toute son œuvre bâtie en marge des courants dominants de l'art américain. Et qu’il vivait retranché dans sa maison perdue de Gaeta, dans la campagne entre Rome et Naples, fuyant toute interview depuis des décennies et s'exprimant seulement par le pinceau. La 1ère salle évoque le séjour, en 1951 au Black Mountain College, université de l'avant-garde new-yorkaise. Franz Kline et De Kooning (père de l’Expressionnisme abstrait) y enseignaient Il y côtoie Rauschenberg (célèbre représentant de l’Expressionnisme abstrait), le poète Charles Olson, le musicien John Cage ou encore le chorégraphe Merce Cunningham ! Par la photo, il immortalise ses amis et y réalise des natures mortes au temps suspendu. Il a choisi l’accrochage de la 2e salle consacrée aux intérieurs de palais de Rome et de sa maison de Gaeta. Les références à l’histoire de l’art sont partout : livres, mobilier, textiles, les œuvres (bustes romains, toile de Picasso, Pan néoclassique photographié à plusieurs reprises et sous plusieurs angles à la manière de Brancusi domptant par des jeux de lumière et d’angles ses œuvres). Et l’atmosphère est viscontienne au possible : on se croirait dans le Guépard ou Senso. La 3e salle présente des natures mortes aux grappes de raisins, pétales de tulipes et feuilles de citronnier en noir et blanc ou en couleurs. Elles suggèrent encore une fois le temps qui passe mais aussi l’art de Murillo et Chardin. Les sculptures qui y sont exposées évoquent, comme chez Rodin ou Brancusi, leur force mais avec des matériaux pauvres. Dans la 4e salle les paysages et les natures mortes inondent la pièce de leur vitalité et de leurs couleurs. L’évocation de vanités (cerneaux de noix, pétales chus) n’empêche pas de penser à la picturalité de ses photographies dans lesquelles éclatent les rouges cramoisis des pivoines, les orangés des roses, les jaunes criards des œillets !  La 5e salle est liée à un séjour en 2007, entre Boston et Lexington. Il y photographia les devantures de magasins aux peluches criardes et kitchs et visita son amie Sally Mann pour photographier son atelier en expérimentant un long focus, ou la prise de vue à partir d’un parapluie réfléchissant la lumière. Trois autoportraits attirent l’oeil par leur force intrinsèque, leur aspect de statue du Commandeur. Le flou de la prise de vue les rend plus abstraits, tel le Balzac de Rodin photographié par Steichen La 6e salle représente son univers quotidien : l’atelier, les pinceaux, les pots de couleurs … Une photographie de ses pantoufles raconte, loin de tout discours esthétique, les heures passées à peindre : les tâches et coulures les maculent entièrement. La dernière salle salue la Méditerranée sur les côtes de Gaeta. Twombly, tous les jours, mangeait au restaurant Miramar du poisson pêché du matin. Et il photographiait, de loin, avec son polaroïd une vision d’une mer toujours différente : vide et isolée l’hiver et à la plage est couverte de baigneurs l’été.

Avec cette promenade artistique dans un haut lieu de l’art contemporain, parmi un siècle d’œuvres, entre deux continents, l’on peut déterminer les thèmes qui rapprochent Cy Twombly de ses artistes invités : la relation intime au temps qui passe, le temps suspendu, la nostalgie, la réminiscence de la beauté d'œuvres du passé, les séries et l’obsession du thème… Le destin a voulu qu’au moment où la France découvrait ses coups de coeur et ses 120 photos à la beauté languide ou évanescente, Cy Twombly décède et que l'exposition fasse désormais figure de testament.

Voici quelques liens qui permettront, pour ceux qui le désirent, un approfondissement de la connaissance de l’exposition, de la collection Lambert et de quelques uns des artistes évoqués : 


Audrey Courtin, 
Niveau II Master Histoire de l'Art

Présentation de l'auteur : 
voir article "Brèves... rencontres d'oeuvres", 
publié le  21 octobre 2011
English version : see article "Crossing of time and time found again in Avignon", translation of the article by the author.