Traversée
du temps et temps retrouvé en Avignon
Première partie
par Audrey Courtin
Niveau II Master Histoire de l'Art
Le Palais des papes et le
Pont Bénezet ne sont pas les uniques atouts touristiques de la cité papale, les
musées y sont nombreux. En ce moment, deux belles expositions très différentes
l’une de l’autre sont à découvrir. Elles témoignent du dynamisme et de la
diversité culturels de la ville. « Le
temps retrouvé. Cy Twombly et artistes invités » est présenté,
jusqu’au 20 novembre, à La Fondation
Lambert installée en 2000 dans l'hôtel de Caumont
entièrement rénové à cet effet. La fondation d’Yvon Lambert (collectionneur et galeriste depuis les années 60)
y organise, à partir de sa
collection d’art contemporain et de prêts, trois
manifestations annuelles qui permettent de pénétrer à chaque fois plus
avant la collection et de redécouvrir le lieu qui l'accueille à l'occasion des
changements de scénographie et de parcours rendus possibles par le caractère modulable des 2.000 m2 de
superficie.
Photo L'Internaute Magazine /Tiphaine Bodin
Ami
de longue date d'Yvon Lambert, Cy Twombly, après Blooming, en 2007, a souhaité retravailler
avec la Collection Lambert, et, en plus d’être l’artiste invité en tant que
photographe (activité méconnue), d’être le commissaire d’exposition associé.
Les choix artistiques, qui peuvent sembler hétéroclites, livrent un
autoportrait en creux et donnent une lecture nouvelle à l’œuvre foisonnante de
l’artiste américain, né Edwin Parker
Twombly le 25 avril 1928 en Virginie, et décédé le 05 juillet 2011 à Rome (moins d’un mois après l’inauguration de la manifestation). Très vite il se
rebaptise Cy (diminutif de Cyrius), surnom de son père, joueur de base-ball
célèbre à son époque, dans un 1er geste symbolique important pour un
homme naturellement porté à rendre hommage aux gens qu’il aime et admire, telle
la 20aine d’artistes réunis dans cette exposition au titre proustien. Comme
autant de filiations artistiques, Twombly nous propose des oeuvres de grands
noms de l’histoire de l’art du XIXe et du XXe siècle, à
la fois, à son image, peintres et photographes (Degas, Bonnard, Vuillard…) ou
sculpteurs et photographes (Rodin, Brancusi…). Et des œuvres d’importants
photographes et plasticiens qu’il affectionne (Lartigue, Diane Arbus, Sol le
Witt, Ed Rusha, Sugimoto, Cindy Sherman, Sally Mann, David Claerbout, Douglas
Gordon, Christian Boltanski…).
La
visite est faite de va-et-vient entre la fin du XIXe siècle à nos jours, entre
une Europe atemporelle et l’Amérique des années 1960 à aujourd’hui,
entre l’histoire de l’art et celle de l’intimité d’un artiste. En 1er lieu,
abordons la fin du XIXe et la Modernité
en Europe que Twombly a approchées dès son enseignement artistique. À l’étage, dans la 1ère
salle, sont accrochés des clichés représentant des œuvres d’Auguste Rodin
dans son atelier. Ce dernier a retouché, annoté, repeint à l’encre et à
l’aquarelle ces photographies réalisées par Charles Bodmer, Victor Pannelier ou
Eugène Druet, qu’il avait invités, dans les années 1880, à illustrer les étapes
de son travail pour les diffuser dans la presse. Rodin, plus tard, les récupère
et se les réapproprie. Une poésie étrange s’en dégage alors. Une installation du vidéaste Douglas Gordon (né en 1966)
rend hommage à Cézanne et à Monet avec des crânes de vanités devenant des
nymphéas flottant sur fond de clapotis d’eau, dans
une sorte de réminiscence du Jardin
des Finzi-Contini de Vittorio De Sica, (référence
cinématographique chère à Twombly). Ce travail sur l’appropriation d’images
permet d’évoquer, en esthète, la beauté d'œuvres du passé. Puis quelques unes des célèbres photographies (500 négatifs et
120 clichés) que Brancusi a lui-même faites de ses œuvres dans son
atelier, insatisfait de celles réalisées par des professionnels, sont montrées.
Connaissant intrinsèquement ses sculptures, il nous
donne à ressentir l’importance de la lumière
pour les appréhender, par un travail sur le flou et la sous-exposition.Place à l’Amérique contemporaine des
créations de Twombly qui
s’installe, en 1959, en Italie.
(Il vécut jusqu'à son décès entre Rome et
Gaeta, entrecoupé de séjours annuels à Lexington, sa ville natale). Et au goût de la
répétition et de l’accumulation. Dans les années 50, Robert Rauschenberg (ami
très proche rencontré en 1947), offre à Twombly, une des oeuvres d’Eadweard
Muybridge (1830-1904). rendu célèbre, en 1878, par son étude, à partir de 12 appareils photographiques, de la décomposition
des mouvements du trot du cheval. L’œuvre offerte est exposée avec d’autres.
Ces suites de représentations de modèles, entre science et art, scindent le
temps et l’espace en instants esthétiques. Artiste
américain minimaliste et conceptuel majeur, Sol Le Witt (1908-2007)
inventorie les choses de la vie. A l’occasion d’un déménagement de Brooklyn à
Manhattan il a répertorié avec méthode chaque élément de son appartement :
des prises de courant aux couvertures, des livres d’art exprimant la révolution
artistique de son temps (où New York supplante Paris comme centre de l’art) aux
disques révélant sa passion pour Mozart. Plus listes à la «Je me souviens» de
Pérec, qu’Inventaire à la Prévert ! Edward Ruscha (né en 1937 au Nebraska) présente un mur d’images en noir et
blanc au graphisme plaisant qui dessine une géographie de parkings
surdimensionnés, inhumains, quasi vides. Ces photographies (telles celles destinées
à ses livres d'artiste inspirés par la vie américaine
marquée par l’urbanisme à outrance et la surconsommation et qui ont marqué à la
fois le pop art et l'art conceptuel des années 60) revendiquent leur banalité dans le thème, dans la
technique et dans la recherche d'absence de style. Mais le résultat est
fascinant. Fascination
également éprouvée face aux trois immenses photographies d’Hiroshi Sugimoto
(né en 1948)
de marines. Du temps d’exposition extrêmement long résultent ces mers d’huile
et ces cieux d’une profondeur conceptuelle et philosophique intense,
contredisant l’idée reçue selon laquelle les appareils photo montrent toujours
la réalité brute ! Ces horizons marins nous plongent dans un
temps suspendu cher à Twombly. Tout comme le choix de marines fait écho aux
dernières photographies visibles de l’artiste américain. Toute l’œuvre de
Sugimoto est faite de séries aux thèmes différents. Chez
ces quatre artistes, la photographie comme acte répétitif annonce dans l’œuvre
de Twombly les séries, l’obsession du thème et le talent de maîtriser toute
forme de création. Quant à Cindy Sherman (artiste new-yorkaise née en 1954), elle présente des œuvres tirées de ses
séries d'autoportraits, réalisés depuis 1977, qui relèvent moins de
l’introspection que d’une recherche conceptuelle. Elle sert de modèle à ses
clichés dans lesquelles elle se met en scène dans des costumes et des attitudes
variées. Car depuis
35 ans, elle mène un questionnement sur la place de la femme, son identité et
sa représentation dans la société américaine des années 60 à nos jours. Elle critique tout
particulièrement l'image et le rôle assigné à l’américaine moyenne des années
60-70. Elle mène aussi une réflexion sur le medium photographique en rapport
avec la peinture. Son œuvre est influencée par de nombreux et
différents types d'illustrations : de l'image picturale et cinématographique à
l'image de publicité, de magazine ou à l'image érotique.
Montons
au second étage plonger dans la
France de la 1ère ½ du XXe, pour évoquer la sphère de l’intime. Tout d’abord, les 22 minutes tournées en 1915 du
film documentaire en noir et blanc de Sacha Guitry Ceux de chez
nous (dont la
version finale, remaniée en 1952, dure 44 minutes et dont la première
sonorisation date de 1939)
sont de très rares images animées de quatre figures majeures de l’art du XIXe que
Guitry est allé interviewer chez elles. Véritable ode aux grands hommes de la
France. Apparaissent successivement Rodin (1840-1917) dans son atelier qui ne
saisit pas qu’il est filmé, Monet (1840-1926)
à Giverny qui refuse le fétichisme qu’il suscite, Degas (1834-1917), perdu
dans son monde des grands boulevards et Renoir (1831-1915), devant son chevalet, qui
ne peut peindre sans son fils qui chaque jour accroche à l’aide de bandes le
pinceau aux doigts déformés par les rhumatismes. Viennent ensuite des clichés,
aux sujets similaires à ceux de leur œuvre picturale, de quatre grands
peintres. La pratique photographique tardive et limitée dans le temps de Degas
nous plonge cependant au cœur de ce qui fit sa vie d’artiste pendant laquelle
il n’eut de cesse de concilier dessin et couleur, structure et mouvement dans
une synthèse idéale entre ses maîtres Ingres et Delacroix. Il fut le premier artiste moderne à peindre d’après
l’image photographique, comme l’on peut voir avec ces trois danseuses
rayonnantes dont il capte notamment un jeu d'épaules avec la sensualité du
pastelliste. Le mouvement nabi a
toujours intéressé Twombly qui, en partie, dans sa pratique picturale, a pu se
retrouver dans l’usage de grands aplats
de couleurs pures, la lumière prédominante, la perspective absente ou fausse,
la logique décorative et symbolique. Une filiation existe avec Pierre
Bonnard (1867-1947) dont les dernières peintures florales ont beaucoup inspirées
les pivoines sur panneaux de bois de Blooming. Les photographies du nabi offrent une grande
similitude de sujets avec ses tableaux : des scènes familiales faites de
joies simples (un déjeuner, une sieste, une baignade…) : la sublimation du
quotidien. Mais aussi des sujets intimes, des nus à sa toilette, (par ex. Marthe au tub, son épouse
rencontrée en 1893). On retrouve dans ses clichés en noir et blanc un même sens
de la composition libre et audacieuse, le même penchant pour un sentiment
d’harmonie décorative, et le même goût du geste vif et gracieux restitué en
photographie par la technique de l’instantané. Edouard Vuillard (1868-1940) s'intéresse aux natures mortes et aux intérieurs domestiques
aux atmosphères intimistes et peint de nombreux panneaux décoratifs de paysages
japonisants. De même, dans ses tirages, il capte de banales scènes de tous les
jours (comme ½ siècle plus tard Ed Ruscha ou Sol LeWitt traquent une morne
répétitivité du quotidien) et saisit des sujets qui déplacent la pure
représentation (Une femme chapeautée
vue de dos…) notamment par des cadrages décalés issus du japonisme. La peinture (inspirée par Gauguin,
l’art sacré, la poésie symboliste…) de Maurice Denis (1870-1943) est
assez différente des sujets qu’il fixe, à partir de 1890, dans une joyeuse
ferveur, dans ses photographies: moments festifs de la vie, souvenirs fugaces
du quotidien, évolution intime des membres de sa famille. Une salle entière est consacrée au génial Jacques-Henri
Lartigue (1894-1986) issu d’un milieu très bourgeois où l’univers familial
était omniprésent et a toujours était le sujet principal de ses travaux. Sont
présentées 16 doubles pages de ses agendas d’adolescent, de 1911 et 1912, et
une 20aine de photographies en regard de croquis, réalisés en bas de la page,
des clichés pris à l’instant, avant qu’ils ne soient développés. Ces esquisses
rapides témoignent d’une mémoire et d’un œil précis. Sont aussi proposées 10 vues stéréoscopiques, parmi les 5 000 réalisées
entre 1902 et 1928. Lartigue était convaincu que saisir le mouvement et
restituer le relief dans le même temps démontrait que la photographie pouvait
retenir la vie, opérer le miracle proustien de « retrouver le temps
perdu ». Ces clichés autobiographiques
restituent l’émotion enfantine à travers des souvenirs précis de loisirs et de
moments partagés où l’espièglerie règne souvent. Enfant, Lartigue multiplie les
expériences consistant à faire faire un looping à un lapin dans un toboggan de
sa fabrication, à flotter dans l’eau grâce à une combinaison bricolée etc. Ces
défis à l’apesanteur permettent de jouer sur les
angles de prises de vue et sur l'instantané. Ayant une formation de peintre,
Lartigue n’a jamais négligé les règles de composition et s’est créé une
esthétique propre. Dans cette 1ère ½
du XXe, ces artistes ont donc fait de la
photographie le même usage que des amateurs de plus en plus nombreux tandis que
sa pratique se démocratise, mais avec un sens esthétique pointu !
L’on retrouve des artistes américains et européens de la
2e ½ du XXe bâtissant des passerelles avec la tradition ou travaillant sur la
notion du temps. Diane Arbus (1923-1971) a réinventé le style
documentaire et urbain des maîtres des années 30. Après 1962, dans le format
carré du 6x6, elle impose son style
propre, en tirant le portrait, à New York
et ses alentours, en noir et blanc, de pied et de face, sans apprêt ni mise en
scène, de gens hors norme : travestis,
handicapés mentaux, personnages de cirque… rencontrés au gré de ses
pérégrinations incessantes. Avec fascination mais toujours respect. En
mélangeant le familier avec le bizarre, elle dresse un portrait troublant de
l'Amérique des années 60 et révèle l’envers du décor, celui des éternels
marginaux et laissés pour compte. David Claerbout (né en 1969)
est un vidéaste et photographe belge.
Il travaille à partir de vidéos et de photos pour créer des oeuvres constituées
d'un simple plan fixe ou de séries de clichés donnant une impression de
mouvement. Il présente deux installations (l’une
à cet étage et la seconde au rez-de-chaussée) qui
s’inscrivent parfaitement dans la thématique de l’exposition puisque le temps
et l'espace sont des points d’ancrage. La 1ère est réalisée à partir d’une
carte postale ancienne en noir et blanc représentant un arbre séculaire et au
loin un moulin à vent. Cette image iconique d’un
paysage qui pourrait être Impressionniste ou Pictorialiste a été « montée »
plusieurs fois (avec une grande virtuosité dans le passage entre l’image fixe
et l’image en mouvement) afin de donner l’illusion du bruissement des brasées
de feuillage de l’arbre inanimé. Très attaché
à la composition formelle, Claerbout soigne également les rapports à la lumière
dans ses oeuvres lentes et répétitives, afin que le spectateur soit captivé,
porte un regard méditatif et que le temps lui semble suspendu (alors que la
vidéo tourne imperceptiblement en boucle). Il
développe ainsi une réflexion sur le regard et le point de vue. Il utilise
parfois des procédés narratifs dans ses suites de photos. Comme dans sa
deuxième installation : immense vidéo recto-verso qui montre, devant une
maison, une femme âgée assoupie dans un rocking-chair qui se balance
perpétuellement. Au verso nous la voyons de dos, un paysage s’ouvrant devant
nous. L’illusion est parfaite ! Le spectateur a le sentiment de se trouver
auprès d’une véritable personne, dans un état du Sud des Etats-Unis, comme la
Virginie de Twombly. Mais tout n’est qu’artifice : le fauteuil, la terrasse, le
paysage, la femme n’ont jamais existés. Ces deux installations m’ont énormément
séduites par leur aspect mystérieux, poétique, méditatif et mélancolique. Christian Boltanski (né en 1944) est un plasticien français
qui questionne la frontière entre absence et présence, la mémoire et l’inconscient. Son installation : l’escalier des images noires
évoque une mémoire défaillante. Les vieux portraits d’une aile d’un vieux
manoir se sont fanés au point de ne transmettre que des cadres noirs et tristes
très peu éclairés.
Amie de Twombly qui la
considérait comme « la plus grande portraitiste américaine
d’aujourd’hui », Sally Mann
(née en 1951), est aussi de Lexington, en Virginie.
Elle y vit et y travaille dans sa grande propriété isolée dans les bois des
collines Blue Ridge Mountains. Twombly y possédait une
maison et un atelier où il se rendait chaque année et l’y a rencontrée. Elle a
été la 1ère artiste invitée de l’exposition. Elle travaille elle-même ses épreuves, le plus souvent en noir et blanc et en grand format, dans son laboratoire
personnel. Elle
réalise ses prises de vue surtout en extérieur. Ses sujets de prédilection sont
les membres de sa famille et ses amis proches, la nature qui l'entoure, des
paysages somptueusement étranges, des visages inquiétants d’être un peu trop
cadrés etc. Ses photographies jouent sur des contrastes profonds, conférant à
des sujets de la vie quotidienne un caractère sensuel et mystérieux. Ses
œuvres, si éloignées de celles de Cy Twombly, éclairent par opposition la face
sombre d’un artiste solaire. Voilà enfin les sept dernières salles,
celles consacrées aux photographies de Twombly, présentées pour la 1ère
fois en France, alors que les premières datent de 1951 et que les dernières ont
été réalisées en 2011 ! L’on peut déjà rappeler d’une façon générale la modestie et
la douceur poétique qui imprègne toute son œuvre bâtie en marge des courants
dominants de l'art américain. Et qu’il vivait retranché dans sa maison perdue
de Gaeta, dans la campagne entre Rome et Naples, fuyant toute interview depuis
des décennies et s'exprimant seulement par le pinceau. La 1ère salle évoque le
séjour, en 1951
au Black Mountain College, université de
l'avant-garde new-yorkaise. Franz Kline et De Kooning (père de l’Expressionnisme abstrait)
y enseignaient Il y côtoie Rauschenberg (célèbre représentant de
l’Expressionnisme abstrait), le poète Charles Olson, le musicien John Cage ou encore le chorégraphe Merce Cunningham ! Par la photo, il
immortalise ses amis et y réalise des natures mortes au temps suspendu. Il a choisi l’accrochage de la 2e
salle consacrée aux intérieurs de palais de Rome et de sa maison de Gaeta. Les
références à l’histoire de l’art sont partout : livres, mobilier, textiles, les œuvres
(bustes romains, toile de Picasso, Pan néoclassique photographié à plusieurs
reprises et sous plusieurs angles à la manière de Brancusi domptant par des
jeux de lumière et d’angles ses œuvres). Et l’atmosphère est viscontienne au
possible : on se croirait dans le Guépard ou Senso. La 3e salle présente
des natures mortes aux grappes de raisins, pétales de tulipes et feuilles de
citronnier en noir et blanc ou en couleurs. Elles suggèrent encore une fois le
temps qui passe mais aussi l’art de Murillo et Chardin. Les sculptures qui y
sont exposées évoquent, comme chez Rodin ou Brancusi, leur force mais avec des
matériaux pauvres. Dans la 4e salle les paysages et les natures
mortes inondent la pièce de leur vitalité et de leurs couleurs. L’évocation de
vanités (cerneaux de noix, pétales chus) n’empêche pas de penser à la picturalité
de ses photographies dans lesquelles éclatent les rouges cramoisis des pivoines,
les orangés des roses, les jaunes criards des œillets ! La 5e salle est liée à un séjour
en 2007, entre Boston et Lexington. Il y photographia les devantures de magasins
aux peluches criardes et kitchs et visita son amie Sally Mann pour
photographier son atelier en expérimentant un long focus, ou la prise de vue à
partir d’un parapluie réfléchissant la lumière. Trois autoportraits attirent
l’oeil par leur force intrinsèque, leur aspect de statue du Commandeur. Le flou
de la prise de vue les rend plus abstraits, tel le Balzac de Rodin photographié
par Steichen La 6e salle représente son univers quotidien : l’atelier, les
pinceaux, les pots de couleurs … Une photographie de ses pantoufles raconte,
loin de tout discours esthétique, les heures passées à peindre : les
tâches et coulures les maculent entièrement. La dernière salle salue la Méditerranée
sur les côtes de Gaeta. Twombly, tous les jours, mangeait au restaurant Miramar
du poisson pêché du matin. Et il photographiait, de loin, avec son polaroïd une
vision d’une mer toujours différente : vide et isolée l’hiver et à la
plage est couverte de baigneurs l’été.
Avec
cette promenade artistique dans un haut lieu de l’art contemporain, parmi un
siècle d’œuvres, entre deux continents, l’on peut déterminer les thèmes qui
rapprochent Cy Twombly de ses artistes invités : la relation intime au
temps qui passe, le temps suspendu, la nostalgie, la réminiscence de la beauté
d'œuvres du passé, les séries et l’obsession du thème… Le destin a voulu qu’au
moment où la France découvrait ses coups de coeur et ses 120 photos à la beauté
languide ou évanescente, Cy Twombly décède et que l'exposition fasse désormais
figure de testament.
Voici quelques liens qui permettront, pour
ceux qui le désirent, un approfondissement de la connaissance de l’exposition,
de la collection Lambert et de quelques uns des artistes évoqués :
Audrey Courtin,
Niveau II Master Histoire de l'Art
Présentation de l'auteur :
voir article "Brèves... rencontres d'oeuvres",
publié le 21 octobre 2011
English version : see article "Crossing of time and time found again in Avignon", translation of the article by the author.
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