"La culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité"

Partant de cette notion fondamentale exprimée par Gao Xingjian, ce blog a pour but de partager les connaissances dans tous les domaines de l'histoire de l'art occidental.

Des périodes antiques à la période contemporaine, le lecteur est invité au voyage par des articles à vocation scientifique, mais accessibles à tous.

S'interroger, historiciser, expliquer en gardant un esprit critique et humaniser l'histoire au travers des productions et oeuvres sont les critères essentiels de cette page. De nouvelles perspectives naissent ainsi du croisement des regards, des conceptions, de la connaissance des artisanats et des arts.

Rédigé par une docteur spécialisée en iconographie, ATER à l'Université de Poitiers, ce blog a également la volonté d'intégrer de jeunes chercheurs passionnés, désireux de partager leurs connaissances et leurs savoirs par la publication d'articles.



" The culture is not a luxury, it is a necessity " This notion expressed by Gao Xingjian, is the foundation for the blog, who aims at sharing the knowledge in all the domains of the art history. From Antique periods to the contemporary period, the reader is invited in the journey by articles with scientific vocation, but accessible to everyone. Wondering, historicizing, explaining by a critical spirit and humanizing the history through the productions and works are the essential criteria of this page. New perspectives arise from the crossing of the glances, conceptions, knowledges. Drafted by a PhD Doctor specialized in iconography, this blog also has the will to join young researchers, avid to share their knowledges by the publication of articles. English summaries will be proposed (see article : the blog evolves - le Blog évolue)


jeudi 22 décembre 2011

Cycle d’articles sur l’iconographie de l’enseignement (XIe-XVe siècle) : Article 1, le roi Salomon enseignant


English translation comming soon. 

L'iconographie de l'enseignement : article 1
Salomon, les codes de l'enseignement

Je tiens à initier un cycle d'articles sur l’iconographie de l’enseignement, sujet qui me tient à cœur par sa proximité avec mes recherches scientifiques, car le sujet est peu développé par la recherche en iconographie, contrairement à l'étude historique qui s'est largement penché sur l'enseignement, notamment aux périodes hautes. J'ai volontairement choisi une chronologie élargie (XIe-XVe siècles), afin de comprendre -au travers de ce cycle d’articles-, les éventuelles évolutions des codes de l'image.

L'inventaire obtenu pour l'enseignement est extrêmement vaste. Ce thème est largement développé depuis l'Antiquité, et l'iconographie chrétienne reprend d'ailleurs certains codes en les assimilant aux exigences de la foi, mettant en scène les docteurs de l'Eglise, les personnalités de l'histoire, les « scientifiques », les religieux (clercs ou moines), enseignants laïcs, etc. Il fallait y faire un choix pour ces séries d’articles. L'étude du corpus montre sans surprise une récurrence de certains enseignants. Pour le domaine religieux, une certaine proportion montre l'enseignement de pères de l'Eglise et de personnalités monastiques, parmi lesquels saint Benoît de Nursie tient une bonne place. Le corpus montre également un grand nombre d'images du Christ enseignant, mais les personnalités de l'Ancien Testament, et surtout Salomon en tant que figure de sagesse, sont également très présents. Je me suis ainsi demandé quels étaient les caractéristiques de cette iconographie. Comment le doctus (le docte, le savant, celui qui détient un savoir), le plus souvent dénommé magister (le maître), est-il figuré et quels en sont les archétypes.

Mon choix de traiter de Salomon n’est pas innocent. Dans la religion chrétienne comme dans son iconographie, le Christ est le modèle absolu. Salomon le préfigure, notamment par sa sagesse légendaire.
Un échantillon de 211 enluminures a été étudié en référence. Celui-ci est composé d'enluminures françaises et italiennes, datées entre le XIe et le XVe siècle. La proportion de représentations dans le livre des Proverbes est supérieure à tout autre livre.  Du point de vue chronologique, un pourcentage assez élevé se remarque au XIIIe siècle, ceci étant vraisemblablement à relier au développement conséquent de bibles à cette époque.
L'étude des images montre que les codes iconographiques de Salomon enseignant sont assez bien établis. Les variations sont peu nombreuses et les codes restent relativement stables tout au long du Moyen Age.
Les représentations montrent presque systématiquement le roi assis sur la cathèdre (siège de l'enseignant, souvent muni d'un haut dossier et d'accoudoirs[1]), tenant divers accessoires. Parmi ceux-ci, le phylactère (banderole[2])  tient une place particulière.  Sa présence est une clef de lecture et, de manière générale, il traduit la communication ou l'annonce. 
Salomon enseignant, Initiale P du Livre des Proverbes, produit à Saint-Bénigne de Dijon, deuxième quart du XIIe s., Dijon B. m. ms. 2, f. 289 (c) IRHT www.enluminures.culture.fr
Le type du « phylactère étiré » est ici représenté. Salomon, assis en majesté (le corps face au spectateur), couronné et tenant le sceptre royal, tient le long ruban de sa main gauche. Ce type de présentation correspond non à la communication d'un propos ou d'une vérité, mais à la présentation de cette Vérité ou de la Sagesse proposée. La communication n'est pas véritablement actualisée, mais le propos est annoncé de manière générale et universelle. La mention « Audi filii mi disciplinam patris » (Proverbes I, 8) s'adresse certes aux deux personnages représentés dans la hampe du "P", mais aussi à tout lecteur du manuscrit. L'orientation verticale du phylactère met en évidence le caractère universel et permanent du message. 

L'écriture du phylactère n'est pas obligatoire : il peut également être vierge. Dans le cas de cette enluminure en pleine page, le ruban est à nouveau tenu par Salomon assis en majesté. 
Salomon enseignant, début du livre de l'Ecclésiaste, Biblia Sacra, dite d'Etienne Harding, 1109,
Dijon B. M. 14, f. 56  (c) IRHT op. cit.
La situation du roi au centre de l'image et la surface qu'il occupe, sa taille, indiquent la qualité de sa personne. Son autorité et l'importance de son message sont traduit par l'index pointé et le phylactère. Le roi est entouré de divers personnages, plus petits, qu'il ne regarde pas. La dépendance hiérarchique de l'enseigné par rapport à l'enseignant est signalée par cette différence de taille, mais aussi par le phylactère lui-même qu'il tient fermement de sa main droite. Deux hommes à la gauche de Salomon agrippent le phylactère, alors que deux autres têtes apparaissent derrière afin d'exprimer la quantité d'aspirant à l'apprentissage de sa sagesse. A la droite du roi se tient un homme barbu, assis de profil sur un siège moins haut que celui du roi. Lui aussi tient le phylactère. Sa dimension moyenne, son âge -représenté par sa barbe- et sa situation à la droite de Salomon le présente comme un intermédiaire sans qu'il soit possible de l'identifier davantage. Enfin, cette enluminure donne une indication sommaire du lieu. Ceci est assez peu fréquent durant les XIe-XIIIe siècle, et il faut donc le remarquer dans cette oeuvre datée de 1109, mais se précise à partir du XIVe siècle.

De manière générale, les codes iconographiques de l'enseignement de Salomon sont ceux de l'autorité. Le roi est assis sur la cathèdre, parfois en majesté comme dans les deux exemples précédents, mais plus fréquemment du côté gauche de la représentation. La position assise sur la gauche de l'image est communément réservées aux personnages, réels ou allégoriques, qui jouissent d'une certaine autorité hiérarchique et d'un pouvoir. Cependant, la cathèdre n'est pas le signe du pouvoir. C'est la position elle-même qui définit le statut du personnage, non le mobilier. 
Salomon enseignant la vanité des choses, initiale U du Livre de l'Ecclésiaste,  production parisienne entre 1245-1274, Paris, Bibl. Mazarine ms. 9, f. 232, (c) Mazarine www.liberfloridus.cines.fr
Ainsi, la miniature présentée ci-dessus montre les personnages adossés à la lettrine. Aucun ameublement n'est représenté. Si la posture donne du sens à la représentation, elle ne peut se comprendre qu'en accord avec les gestes. Ainsi, ceux de l'autorité et de l'enseignement sont caractérisés par le geste déictique, mais aussi par la préhension de certains objets, tels que le faisceau de verges destiné à afficher l'importance morale et intellectuelle de celui qui le tient. 
Salomon enseignant, initiale P du Livre des Proverbes, production parisienne entre 1245-1274, Paris, Bibl. Mazarine ms. 9, f. 224, (c) Mazarine www.liberfloridus.cines.fr
La position de la main posée sur la cuisse opposée, comme c'est le cas dans ces deux lettrines, manifeste la volonté et la fermeté de Salomon dans l'exercice de son pouvoir. Le geste ne prend pourtant véritablement sens qu'en corrélation avec les autres mouvements et le comportement du personnage. Ces deux lettrines montrent deux aspects de l'enseignement de Salomon : la première montre l'assiduité de Roboam, son fils, tenant le livre ouvert ; la seconde illustre la détresse. Le personnage détourne le visage, son corps est tassé. Il lève une main et pose l'autre sur la cuise. Sa taille ne permet pas d'affirmer qu'il s'agit d'un enfant : sa dimension relative et son positionnement situe le personnage à un rang hiérarchique inférieur à celui du maître de Sagesse. L'image à une connotation morale. Presque toutes les représentations de l'enseignement dans le Livre de l'Ecclésiaste montrent le roi l'index pointé verticalement, comme pour annoncer une loi de l'existence. Le personnage plus petit est toujours détourné, affaissé. 

Comme je l'ai dis, la majorité des représentations interviennent dans le livre des Proverbes. Ces enluminures montrent souvent Salomon tenant le faisceau de verges. Pourtant, il n'y a châtiment que dans 7 % des échantillons. La punition, ou sa menace, est identifiable par le maintient de main ou du poignet de l'enfant à demi nu. 
Salomon enseignant Roboam, initiale P du Livre des Proverbes, Nord de la France, Atelier Blanche, 1220 à 1230, Paris, Bibl. Mazarine ms. 36 (f. 123v-264v), f. 240v (c) Mazarine op. cit. 
Le jeune homme se tient debout, maintenu par la main. Il n'est vêtu que de chausses. Face à lui, Salomon trône en maintenant les verges levées et en écrasant le pied de Roboam. Remarquons que le roi est ici représenté du côté droit de l'image, preuve qu'il ne faut jamais rien généraliser (la gauche de l'image est souvent considérée comme l'endroit réservé au personnage d'autorité). L'organisation de l'enluminure pourrait laisser entendre que le roi n'est pas si sage qu'il n'y parait. Son visage est d'ailleurs effacé, comme cela est parfois le cas pour les figurations infamantes ou diaboliques, que des lecteurs perturbés ont gratté. Cependant, la partie supérieure de la lettre insiste sur le caractère intellectuel de Salomon, occupé à écrire. L'image doit donc être lue comme un tout et ne peut en aucun cas être séparée de son ensemble, ni de son contexte. La lettrine est ici placée au début du livre des Proverbes, dont les premiers versets insistent sur la discipline, la droiture et la sagesse, méprisées des fous. Le livre parle de la méthode éducative employée, parfois brutale. Le bâton est la punition de l'homme stupide (Pr. 26, 3) et tout père aimant doit en faire usage afin de guider son fils sur le droit chemin (Pr. 13, 34 ; 15, 5 ; Pr. 23, 13 ; etc.). Pensons à saint Augustin, qui se rappelle dans les Confessions de son éducation rude et  douloureuse. Ekkehard IV lui aussi décrit l'enseignement des enfants : la rudesse des enseignants du monastère de Saint-Gall mena les enfants à une véritable mutinerie le 27 avril 937. Ceux-ci devaient alors recevoir des coups en punition. D'autres enfants avaient reçu l'ordre d'aller chercher des bâtons, mais solidaires de leurs compagnons d'infortune, ils incendièrent le grenier du monastère, détruisant par la même l'école et une partie de l'abbaye (EKKEHARD, Casus Sancti Galli, vers 980 - 1060). Il était par ailleurs préconisé de corriger les fautifs par des coups de bâton sur les mains et la tête ou par une gifle en plein visage. Comme le signale le biographe d'Etienne, premier abbé de l'abbaye d'Aubazine fondée en 1142, cette punition devait être administrée de manière très bruyante afin de corriger le fautif et de terrifier les autres. On peut cependant remarquer que la sévérité et les châtiments corporels ne font pas l'unanimité parmi les auteurs chrétiens de toute période. Saint Paul lui-même préconise la discipline douce (Epitre aux Ephésiens 6, 4) et saint Augustin, ayant subit une éducation rude, insiste sur l'importance de la douceur (Cité de Dieu, 9). Certains écrits moraux et monastiques valorisent aussi la douceur et la mesure dans la correction des enfants indisciplinés (le moine Othlon de Ratisbonne, Liber Visionum PL 146, 352 et l'écolâtre Egbert de Liège, Fecunda Ratis, tous deux auteurs du XIe siècle).

Outre les verges de l'enseignement, le livre est également un accessoire important. Il est presque toujours tenu par l'enseigné. Sans doute, tenir le livre signifie maintenir une vérité. 
Salomon enseignant, initiale O du Livre de l'Ecclésiaste, Nord de la France, Atelier Blanche, Paris, Bibl. Mazarine ms. 36 (f. 123v-264v), f. 259v (c) Mazarine op. cit. 
Celle-ci est ici enseignée par le roi, assis sur le banc. Dans cette enluminure, le livre est représenté à la jointure de deux entités, le roi du côté gauche de l'image, et le groupe de clercs tonsurés de l'autre. Deux d'entre eux saisissent le livre ouvert. L'aspect de composition est donc important et produit du sens, en mettant en exergue le livre ouvert.

Je terminerai mon approche de l'iconographie de Salomon enseignant par cette lettrine, choisie afin de montrer la position particulière de Salomon, les jambes croisées. 
Salomon enseignant, initiale P du Livre des Proverbes, Nord de la France ?, vers 1270 et 1280, Paris, Bibl. Mazarine ms. 13, f. 254 (c) Mazarine op. cit.  
Ce code est particulièrement intéressant car sa signification semble évoluer avec le temps. Au XIe siècle, le croisement des jambes est assez exceptionnel et se remarque le plus souvent chez les personnages affligés par la douleur. C'est ainsi l'attitude de l'homme dans la détresse : le mouvement se remarque dans les représentations de Job par exemple (Bible de saint-Bénigne, Dijon B.m. 2, fol. 235v). 
Job éprouvé par le diable, sa femme et ses amis, initiale U du Livre de Job, Saint-Bénigne de Dijon, deuxième quart du XIIe siècle, Dijon B. m. ms. 2, f. 235v (c) IRHT op. cit. 
Ce n'est apparemment qu'à partir du début du XIIIe siècle que les personnages d'autorité seront dépeints dans cette position, notamment en corrélation avec un geste injonctif. A nouveau, je pense qu'il ne faut pas restreindre la signification du geste, car celui-ci n'a de valeur qu'en correspondance avec l'ensemble des codes iconographiques représentés dans l'image.


L'importance du thème du roi biblique enseignant tient vraisemblablement à la notion de préfiguration. Sa sagesse, associée au fait qu'il fut le premier à bâtir le Temple et à y instaurer le culte du Dieu d'Israël en fit un personnage d'une importance religieuse et profane cruciale : un roi-prophète, un modèle souverain et une préfiguration du Christ aux yeux des chrétiens. 

Chrystel Lupant




mardi 20 décembre 2011

Information : "le Buisson Ardent", Nicolas Froment, Aix en Provence


Rediffusion de l’émission consacrée au Buisson Ardent d’Aix en Provence, avec l’intervention de Madame Marie-Claude Leonelli, Conservatrice des Antiquités et Objets d’Art en Vaucluse (DRAC-PACA), le 30 décembre 2011, à partir de 19h10 sur RCF 84, FM 103. 

Nicolas Froment, le retable du Buisson Ardent, 1476

Repeating of the broadcast dedicated to the "Buisson Ardent" of Aix en Provence, with the intervention of Mss. Marie-Claude Leonelli, Conservator of Antiquities and Works of Art in Vaucluse (DRAC-PACA, France), on December 30th, 2011, from 7:10 pm on RCF 84, FM 103.

mardi 13 décembre 2011

Deux visions de la représentation de l'Annonciation à un siècle de distance : Fra Angelico et Simone Martini/Lippo Memmi



Fra Angelico est un sujet d’actualité. Dans le cadre de l’exposition parisienne « Fra Angelico et les Maîtres de la Lumière », prolongée jusqu’au 16 janvier 2012 au Musée Jacquemart-André, il semble important de revenir sur ce peintre exceptionnel du XVe siècle, tout en mettant une de ses oeuvres majeures en regard d'une illustre représentation du même thème. L'évolution des conceptions, des codes iconographiques, se remarque alors ... 

Fra Angelico, portrait posthume par Luca Signorelli 
Cathédrale d'Orvietto 
(c) Web Gallery of Art

Le peintre que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Fra Angelico, et que ses contemporains appelaient Fra Giovanni da Fiesole, est né dans le Mugello (Toscane) vers 1395 (1397 d’après Giorgio Vasari) sous le nom de Guido di Pietro. Peintre laïque mentionné dans les documents officiels dès 1417, il est mentionné trois ans plus tard dans la communauté dominicaine de Fiesole sous le nom de Fra Giovanni. Le nom d’Angelicus (l’angélique) ne lui sera donné que dix ans après sa mort, survenue en 1455. Il devient ainsi Angelicus pictor (le peintre des anges) et est béatifié. 
C’est un peintre particulièrement actif, dont les œuvres bien conservées permettent d’observer l’évolution de sa création, depuis les premières œuvres inspirées par Lorenzo Monaco et Starnina, ses maîtres, jusqu’à une maturation propre montrant néanmoins la bonne connaissance des innovations introduites par Masaccio et Brunelleschi. Son œuvre présente ainsi les valeurs médiévales de la peinture (fonction didactique, d’émotion et de remémoration ; valeur mystique de la lumière, etc.) et les principes picturaux de la Renaissance (construction en perspective, représentation multiple de la figure humaine, etc.)

Parmi ces œuvres les plus célèbres, il faut citer le retable de l’Annonciation de Cortona, grande réalisation de la peinture florentine du XVe siècle, participant comme l’élément central d’un retable de plusieurs panneaux consacrés à la vie de la Vierge (cinq panneaux) et à la vie de saint Dominique (saint patron de la communauté ayant commandé le retable). 

Proposant une interprétation nouvelle et exaltante de l’Annonciation du choix divin par l’Archange Gabriel à la Vierge Marie, l’œuvre est construite comme une fenêtre ouverte sur un monde rempli d’infinis détails. Le style gracieux de Fra Angelico s’exprime également dans la perspective mise en place, l’utilisation (et la maîtrise même) de la lumière. La scène se déroule dans un jardin clos (hortus conclusus), allusion au monde paradisiaque protégé du monde extérieur sauvage, mais aussi allusion à la virginité mariale signalée par les roses blanches de la haie, rappelant que Marie est surnommée « la rose sans épines ». Derrière, une petite scène montre l’expulsion du Paradis, rappelant que selon la religion chrétienne, le Christ s’est incarné et s’est sacrifié pour racheter le péché. L’Archange s’avance, le visage juvénile comme il se doit pour les anges, muni d’ailes dont chaque plume est finement détaillée. 


Il désigne (main droite) Marie et lui annonce (main gauche) le message divin : celui-ci s’échappe de sa bouche et est inscrit en lettre d’or à la surface du panneau (« L’esprit saint viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre », Evangile selon saint Luc I, 35). Marie, dont le livre ouvert sur le genou rappelle qu’elle était en train de lire un passage de l’Ancien Testament lorsque l’Ange lui apparut, répond par un geste de mains croisées sur la poitrine, signe d’acceptation, et par ces mots : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole » (Evangile selon saint Luc I, 38). Il faut remarquer l’inversion des lettres, Marie s’adressant à Gabriel. La colonne séparant les deux personnages principaux cloisonne deux mondes, mais permet aussi au peintre de représenter Isaïe dans le médaillon sculpté, prophète de l’Ancien Testament ayant annoncé les faits présentés ici (Isaïe VII, 14). L’incarnation est indiquée par la colombe de l’Esprit saint, auréolée d’or, se positionnant au dessus de la tête de la Vierge, vêtue selon la tradition d’un manteau bleu.

Ce panneau de retable traduit l’importance de la vénération de la Vierge au XVe siècle, alors que l’Eglise encourage son culte au titre de Mère de Dieu. Elle joue cependant aussi un rôle primordial chez les dominicains, dont elle est la protectrice et qui commandent ce retable en son honneur. L’œuvre, pénétrante de mystère avec sa lumière douce et symbolique, fut le point de référence pour de nombreuses peintures sur ce thème à Florence, comme le retable de Simone Martini, peint entre 1329 et 1333, le fut à Sienne, près d'un siècle avant celui de Fra Angelico. 
Le retable de l’Annonciation réalisé par Simone Martini prend un parti pictural différent. Ami de Pétrarque, le peintre (dont notre connaissance de sa vie est ponctuée de nombreuses lacunes) s’associe à son beau frère Lippo Memmi pour réaliser cette peinture sur bois à présent conservé aux Offices à Florence. La signature comporte en effet deux noms : « Symon Martini et Lippus Memmi de Senis me pinxerunt anno domini MCCCXXXIII ». La double main sur ce retable a posé de nombreux problèmes aux spécialistes, qui ont avancés diverses hypothèses : pour certains, Memmi serait l’auteur de la plus grande partie du tableau ; pour d’autres, Martini aurait réalisé l’essentiel, Memmi n’ayant peint que sainte Giulitta. Tous s’accordent pourtant pour relever le haut exemple de cohésion artistique entre deux artistes et une collaboration ayant abouti à une œuvre majeure, dont l’iconographie est très claire. Marie et Gabriel sont représentés, sur le fond d’or, selon les conventions habituelles. Face à une apparition inattendue, la Vierge fait un mouvement de recul. L’Archange, dont le vêtement est encore emporté par le souffle de son arrivée, lui annonce la nouvelle en tenant le rameau d’olivier. Le lys blanc, attribut marial, est posé dans un vase séparant visuellement les deux personnages. De chaque côté, deux saints sont représentés : il s’agit de saint Ansano (dont la chapelle dans la cathédrale de Sienne était destinée à accueillir le retable) et de sainte Giulitta. Enfin, quatre prophètes identifiables grâce aux inscriptions des cartouches rappellent que le thème de l’Incarnation est déjà cité dans l’Ancien Testament (à partir de la gauche : Jérémie, Ezéchiel, Isaïe, Daniel), selon ce que l’on nomme en iconographie « la typologie » (l’Ancien Testament contient l’annonce des faits se déroulant dans le Nouveau Testament). Cette œuvre sera la dernière réalisée par Simone Martini à Sienne, le peintre ayant été appelé à la cour pontificale d’Avignon, où il meurt en 1344.

Les deux panneaux, s’ils présentent un thème identique, montrent de fortes différences et deux conceptions de la représentation picturale, et cela dans un laps de temps d'un siècle. La comparaison des deux oeuvres nous permet ainsi d'observer, d'analyser et de comprendre l'évolution, rapide, de la peinture à cette époque. A la solennité, la relative froideur et le raffinement extrême du retable de Martini et de Memmi répondent la douceur des coloris, de la lumière et la perspective de Fra Angelico qui, finalement, porte bien son nom de l’angélique.

Pour aller plus loin, une exposition et une bibliographie :
L'exposition au Musée Jacquemart-André et un quizz : http://www.expofraangelico.com/fr/home-fra-angelico
Bibliographie succincte : 
- VASARI G., Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs, architectes (1568), sous la direction d'André Chastel, Paris, 1981-1989.
- BERENSON B., The Florentine Paintings of the Renaissance, New York, 1900.
- SALMI M., Il beato Angelico, Milano, 1958.
CONTINI G., GOZZOLI M. C., L'opera completa di Simone Martini, Milano, 1970.
- Du Gothique à la Renaissance, Duccio, Giotto, Simone Martini, Pietro et Ambrogio Lorenzetti, Masaccio, Fra Angelico, Filippo Lippi, Benozzo Gozzoli, monographies complètes, collectif, Paris, Hazan, 2004. (photographies pour cet article : p. 233, 418-420)

Chrystel Lupant


Two visions of Annunciation paintings : Fra Angelico and Simone Martini/Lippo Memmi 
Fra Angelico is a topical subject, with the Parisian exhibition " Fra Angelico and Masters of the Light ", prolonged until January 16th, 2012 at the Museum Jacquemart-André. It seems important to return on this exceptional painter of the XVth century. Comparing one of his major pictures with another painted one century before reveals the evolution of iconographic codes in a period. 

The painter know under the name of Fra Angelico, and whom his contemporaries called Fra Giovanni da Fiesole, was born in Mugello (Tuscany) in 1395 (in 1397 according to Giorgio Vasari) under the name of Guido di Pietro. The laic painter was mentioned in the documents from 1417, and is mentioned three years later in the community Dominican of Fiesole under the name of Fra Giovanni. The name of Angelicus will be given only ten years after his death, arisen in 1455. He so becomes " Angelicus pictor " (the painter of the angels) and was beatified. He is a particularly active painter, whose preserved works allow us to observe the evolution of its creation, since the first works inspired by Lorenzo Monaco and Starnina, his masters, until an appropriate maturation showing nevertheless the good knowledge of the innovations introduced by Masaccio and Brunelleschi. His work presents the medieval values of the painting (didactic, emotional  and recollection functions ; mystic value of the light,...) and the pictorial principles of the Renaissance (perspective, multiple representation of the human figures, etc.)
Among these most famous works, it is necessary to note the altarpiece of the Annunciation of Cortona, one of the most important realization of the Florentine painting of the XVth century, participating as central element of an altarpiece of several panels dedicated to the life of the Virgin (five panels) and to saint Dominique's life (saint of the community having ordered the altarpiece). Proposing a new and exalting interpretation of the Annunciation of the divine choice by the Archangel Gabriel to the Virgin Mary, the work is built as a window opened on a world filled with infinite details. The graceful style of Fra Angelico is also expressed in the organized perspective, the use and the control of the light. The scene takes place in a closed garden (hortus conclusus), allusion to the paradisiac world protected from the wild outside, but also allusion to the virginity indicated by the white roses reminding that Marie is named " the rose without thorns ". Behind, a small scene shows the Eviction of the Paradise, reminding that according to the Christian religion, the Christ was embodied and sacrificed for acquiring the sin. The Archangel advances, provided with wings every feather of which is finely retailed. He indicates (right hand) Mary and announces (left hand) the divine message : this one escapes from his mouth and is writted in golden letters on the panel ("the holy spirit will come on you, and the power of the very High will take you under its shade", Gospel according to Luc I, 35). Mary, whose book opened on the knee reminds that she was reading a passage of the Old Testament when the Angel appeared, answers by a gesture of hands crossed on the breast, sign of acceptance, and by these words: " I am the handmaid of the Lord, that happens to me according to your word " (Gospel according to saint Luc I, 38). It is necessary to notice the inversion of letters, Marie addressing Gabriel. The column separating both main characters divides up two worlds, but also allows the painter to represent Isaïe in the sculptured mediallon, the prophet of the Old Testament having announced the facts presented here (Isaïe VII, 14). The Incarnation is indicated by the dove of the holy Spirit, taken on an aura gold, positioning above the head of the Virgin, dressed in a blue coat according to the tradition.
This panel translates the importance of the cult of the Virgin in the XVth century, while the Church encourages its as Mother of God. She plays however also an essential role at the Dominicans, whose protector she is and who order this altarpiece in her honor. The work, penetrating of mystery with its soft and symbolic light, was the reference point for numerous paintings on this theme in Firenze, as Simone Martini's altarpiece, painted between 1329 and 1333, was it in Siena one century before. 
The altarpiece of the Annunciation realized by Simone Martini takes a different pictorial party. Friend of Pétrarque, the painter joins to Lippo Memmi to realize this painting on wood. The signature indeed contains two names: " Symon Martini and Lippus Memmi de Senis pinxerunt anno domini me MCCCXXXIII ". This double hand raised numerous problems to the specialists, who presented hypotheses : for some, Memmi would be the author of the largest part ; for others, Martini would have realized the main part, Memmi having painted only santa Giulitta.
All agree nevertheless to raise the high example of artistic cohesion between two artists and a collaboration having ended in a major work, with a very clear iconography. Mary and Gabriel are represented, on gold, according to the usual conventions. In front of an unexpected appearance of the angel, the Virgin makes a backlash. The Archangel, whose garment is still taken by the breath of its arrival, announces her the message, by holding the olive branch. The white lily, the Marian attribute, separate both characters. On each side, two saints are represented: Sant Ansano (his dedicated chapel in the cathedral of Siena was intended to welcome the altarpiece) and of santa Giulitta. Finally, four recognizable prophets remind that the theme of the Incarnation is already quoted in the Old Testament (from the left: Jeremiah, Ezechiel, Isaïe, Daniel), according to what we call in iconography " typology " (the Old Testament contains the announcement of the facts taking place in the New Testament). This work will be the last one realized by Simone Martini in Siena, the painter having been called to the papal court of Avignon, where he dies in 1344.
Both panels, if they present an identical theme, show strong differences and two conceptions of the pictorial representation. One century takes place between it. In the solemnity, the relative coolness and the extreme refinement of the altarpiece of Martini and Memmi answer the sweetness of the colors, the light and the perspective of Fra Angelico which, finally, wears well its name of the angelica.

To go farther, an exhibition and a bibliography:
Short bibliography : 
- VASARI G., Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs, architectes (1568), sous la direction d'André Chastel, Paris, 1981-1989.
- BERENSON B., The Florentine Paintings of the Renaissance, New York, 1900.
- SALMI M., Il beato Angelico, Milano, 1958.
CONTINI G., GOZZOLI M. C., L'opera completa di Simone Martini, Milano, 1970.
- Du Gothique à la Renaissance, Duccio, Giotto, Simone Martini, Pietro et Ambrogio Lorenzetti, Masaccio, Fra Angelico, Filippo Lippi, Benozzo Gozzoli, monographies complètes, collectif, Paris, Hazan, 2004. (photographies pour cet article : p. 233, 418-420)

Chrystel Lupant

jeudi 8 décembre 2011

Présentation de thèse



J'ai l'honneur de présenter, par cet article synthétique, ma thèse intitulée 
"Iconographie d’une relation : saints, disciples et compagnons (XIe – fin du XVe siècle)", présentée et soutenue publiquement le 19 novembre 2011 à l'Université Aix-Marseille I. 

Le jury était composé de Monsieur Michel Fixot (Professeur émérite, Université d’Aix-Marseille, directeur de thèse), Monsieur Christian Heck (Professeur, Institut Universitaire de France et Université Lille III, Président du jury), Monsieur Daniel Russo (Professeur, Institut Universitaire de France et Université de Bourgogne) et Madame Marie-Claude Leonelli (Conservateur des Antiquité et objets d'art du Vaucluse, Ministère de la Culture, DRAC-PACA).

Chiusure, Monte Oliveto Maggiore, Grand Cloître, 
Il Sodoma, détail du sauvetage de Placide, vers 1505
(c) Chrystel Lupant
Dans l'iconographie religieuse, la relation des saints avec leurs disciples ou compagnons, souvent considérés par le passé comme des personnages secondaires, constitue un ensemble à remarquer. Longtemps le regard s'est porté sur la représentation du martyr, de l'évangélisateur (prêchant la parole chrétienne), du thaumaturge (réalisant des miracles), du législateur de la vie communautaire, n'accordant que peu d'attention à ceux qui l'entourent et l'accompagnent au quotidien. Ces personnages participent pourtant à la vie du saint et y jouent un rôle, à l'instar des Apôtres du Christ répondant à un appel, à une vocation.

Partant de l’idée de déterminer ce qu’est un disciple ou un compagnon et comment ceux-ci sont représentés dans l’image, et par extension de comprendre des modalités de la représentation du discipulat et du compagnonnage, j’ai choisi de travailler sur des territoires et sur une chronologie très large, puisque comprenant des œuvres produites entre le XIe et la fin du XVe siècle, avec quelques œuvres en amont et en aval de ces balises chronologiques, et un territoire élargi, gravitant autour des productions du domaine du Royaume de France et de la péninsule italienne. Aucune limite n’a été imposée quant aux commanditaires ou aux destinataires des œuvres. Mon but était de mettre en perspective de multiples œuvres, permettant de comprendre, à la lumière de nombreuses représentations en cycle mais aussi hors séquence narrative, les choix opérés dans une image représentant une relation privilégiée. L’utilisation des œuvres a ainsi eu pour dessein de montrer la notion la parenté spirituelle sous un jour différent, distincte de la parenté biologique et de celle du compérage habituellement entendu par ce terme. En tant que nouvelle approche, cette thèse n’a pas pour objet une redéfinition de la parenté spirituelle, mais désire apporter une contribution en démontrant la variabilité de ses formes et la possible définition du « discipulat » et du compagnonnage comme telle.


Le « discipulat », néologisme destiné à définir la relation et l’état dans lequel se situent les disciples, traduit le cheminement auquel il se soumet. Selon l’étymologie, il est celui qui apprend, qui est instruit, qui reçoit l'enseignement ou un savoir. Il s'oppose donc au magister, le maître, l'enseignant. Le discipulat est caractérisé par une relation hiérarchique d’un inférieur à un supérieur. L’entrée se fait par une rupture et une nouvelle naissance dans une nouvelle parenté, une parenté créée par engendrement spirituel. Le disciple est voué à succéder, à prendre la suite ou à propager l’enseignement et les préceptes communiqués par le maître. Il n’est pas au-dessus de lui et ne choisit pas de son propre chef de s’en éloigner : il ne le fait qu’après accord du maître, alors qu’une mission se termine et qu’une autre débute. Le compagnon, quant à lui et toujours d’un point de vue des mots, est l'associé avec qui on partage le pain, celui qui accompagne lors de voyage et marche aux côtés d'autres compagnons. Ce cheminement côte à côte est une invitation au renouvellement continuel de la foi car les partenaires tirent profit de la présence de l'autre. Ils s'épaulent et s'accompagnent. Ils apparaissent ainsi comme des « frères », des associés, des condisciples obéissants et fidèles.


Selon ces premières définitions, il faut donc bien distinguer le disciple et le compagnon. Dans l’image, il faut remarquer une différence notable entre les disciples, qui entrent dans la relation par une rupture (l’entrée au monastère est un seuil social entre deux mondes) et les compagnons, dont la présence auprès du saint se remarque soit lors d’une comparution devant le pontife en prolongeant par là même l’idée de ministère apostolique (aller ensemble, marcher deux par deux, propager la foi dans l’exemple des saints missionnaires tels Denis ou Martial), soit plus occasionnellement devant une autre autorité (profane et païenne comme dans l’exemple d’Hermagore). Dans tous les cas, un lien privilégié entre le saint et saint Pierre, ou le siège de l’Apôtre, est toujours établi dans l’image. L’autorité prime. 


La détermination de l’objet de la recherche, par la constitution du corpus, la lecture des sources écrites et la réflexion étymologique a débouché sur la confrontation à l’étude des œuvres sur l’original, réalisée autant que possible. Plus de 270 images ont ainsi été sélectionnées pour leur pertinence, et organisées en un "corpus" (inventaire) d’où émergent neuf saints ayant eu deux disciples ou compagnons ; la présence d’un seul compagnon se remarque uniquement dans le cas de saints vénérés localement. Il faut par ailleurs remarquer que l'accompagnement du saint par un autre personnage n'est pas exclusif à une catégorie : le corpus comprend ainsi des confesseurs, fondateurs d'ordres, évêques, évangélisateurs ou martyrs.

Auron (06), Chapelle Saint-Erige, abside de saint Denis
Maître de Lusernatta, l'arrestation de Denis, Rustique et Eleuthère, 1451
(c) Chrystel Lupant
Le projet s’est inscrit dans la volonté de faire une étude d’une relation personnelle et intime liant le saint à son disciple ou compagnon, se développant selon un cheminement de vie. L’organisation tripartite de la thèse s’est imposée par l’observation des images en tant qu’objet de la recherche, utilisant les études sérielle, thématiques et systémiques jointes à la lecture des sources écrites. La méthodologie rigoureuse de croisement des sources a ainsi permis de faire émerger les aspects majeurs d’une relation personnelle, sociale et institutionnelle. L’aspect privilégié des liens a été retenu, en dehors de la notion communautaire, ayant fait l’objet de travaux par d’autres chercheurs. Cette étude a ainsi été un défi : déterminer comment une production artisanale ou artistique traduit une relation vivante est une gageure. Car, bien que l’aspect social et institutionnel soit important, l’aspect personnel l’est tout autant.


On ne devient pas disciple ou compagnon par choix personnel, on est choisi, appelé. Surtout, les disciples et compagnons n’apparaissent que lorsque le saint dispose de la parole au travers d’une mission. Le rôle patriarcal domine alors : qu’il s’exprime par l’oblation ou l’envoi en mission, les liens entre le saint, les disciples ou les compagnons s’établissent par une imposition, une élection. Ces personnages sont présents dans les moments forts de la narration, dans des rites de passages, ces instants de destruction d’un rapport social au profit d’un autre mais aussi dans des actions nécessitant une attestation. La présence du disciple ou du compagnon aide à faire croire, il joue un rôle actif dans la construction et la validation du récit.


A l’issue de cette étude pionnière par son "corpus" (inventaire) et sa problématique, des prolongements s’imposent, signalés dans la thèse et lors de la soutenance, couronnée d’une mention Très Honorable. La publication étant autorisée, la thèse fera l’objet d’articles et d’une publication partielle (en raison de la législation du droit aux images). Les volumes de la thèse sont déposés et protégés selon la Charte des Thèses. Ils seront prochainement disponibles à la consultation à la bibliothèque universitaire d’Aix-en-Provence (MMSH – LAMM), ainsi qu’à la bibliothèque du Centre International de Documentation et de Recherche du Petit Palais d’Avignon (courant 2012).


De prochains articles, publiés sur ce blog, présenteront quelques oeuvres majeures de ce travail, mais aussi les méthodes mises en pratique. Des réflexions seront également proposées,  à partir des hypothèses présentées dans la thèse. 

Chrystel Lupant



I have the honor to present, by this synthetic article, my thesis titled " Iconography of a relation: saints, disciples and companions (XIth – the end of the XVth century)", publicly presented and defended on November 19th, 2011 at the University of Aix-Marseille I. The jury consisted of Mr Michel Fixot (Emeritus Professor, University of Aix-Marseille, Supervisor), Mr Christian Heck (Professor, University Institute of France and Lille III university, President of the jury), Mr Daniel Russo (Professor, University Institute of France and University of Bourgogne) and Mss Marie-Claude Leonelli (Former Assistant to the Conservator, in charge of documentary studies, Ministry of Culture, DRAC-PACA).


In religious iconography, the relation of the saints with their disciples or companions, often considered in the past as minor characters, constitutes a group with importance. For a long time, the glance concerned to the representation of the martyr, the preacher, the thaumaturgis (realizing miracles), the legislator of the community life, according not enough attention on those who surround him and accompany him in everyday life. These characters participate nevertheless in the life of the saint and play a role, following the example of the Apostles of the Christ answering a call, a vocation.


With the idea to determine what a discple or a companion is and how these are represented in the image, and by extension to understand the modalities of the representation of the discipulat and the companionship, I chose to work on territories and on very wide chronology, because including works produced between the Xith and the end of the XVth century, and a widened territory, revolving around the productions of the domain of the Kingdom of France and the Italian peninsula. My purpose was to put in prospect multiple works, allowing to understand choices operated in an image representing a privileged relation in the light of numerous representations in cycle but also in not narrative sequence. The use of the works so had for intention to show the notion the spiritual relationship under a different day, different from the biological relationship and from that of the fosterage usually understood by this term. As new approach, this PhD thesis wishes to make a contribution by demonstrating the variability of its forms and the possible definition of the « discipulat » and the companionship as such.


According to the first definitions of what a disciple or a companion is, it is necessary to distinguise those two. In the image, we should notice a considerable difference between the disciples, who enter the relation by a break (the entry to the monastery is a social threshold between two worlds) and the companions, whose presence with the saint is noticeable either during an appearance in front of the pontiff (prolonging the idea of apostolic ministry) or more occasionally in front of another (profane) authority. In every case, a link privileged between the saint and the Saint Peter(the dory), or the seat(siege) of the Apostle, is always established in the image.


The project had the will to make a study of a personal relation, linking the saint to his disciple or companion, into a lifewide progress. The tripartite organization of the thesis was led by the observation of the images as object of research, using serial, thematic and systematic study joined to the reading of the written sources. The rigorous methodology of crossing of sources so allowed to bring to the foreground the major aspects of a personal, social and institutional relation. The privileged aspect of the links was held, except the community notion having been the object of works by the other researchers. So, this study was a challenge : determine how an artistic production translates an alive relation is a challenge. Although the social and institutional aspect is important, the personal aspect is it just as much.


Becoming a disciple or a companion is not by personal choice, they are chosen, called. Especially, these characters appear only when the saint has the word through a mission. The patriarchal role dominates then : the links between the persons are established by an election. These characters are present in the strong moments of the story, in rites of passage, these moments of destruction of a social relationship for the benefit of the other one but also in actions requiring a certificate. The presence of the disciple or the companion helps to persuade, he plays an active role in the construction and the validation of the narrative.


Far from the considerations of the beginning of my researches, there are finally in the iconography only few images of the teaching such as we imagine it today. On the contrary, the disciple or the companion receives not an education ex cathedra, but benefits from a learning throughout the life, marked by the testimony, the listening, the obedience and the will to conform, even to imitate, the saint. In the same way, the daily aspects of the relation, which we would have hoped to find in the narrative iconography, do not express themselves such as we could think of  tat first : it is an everyday life marked by the miracles realized by the saint, the authority. These Auctoritas, but also the other types of authorities (papal in particular), constitute the red thread of my research. 


At the conclusion of this pioneer study by her corpus and its problematization, future researches are lead, indicated in the thesis and during the defense, ended with a summa cum laude distinction. The publication being authorized, the thesis will be the object of articles and a partial publication (because the law for the images). The volumes of the thesis are put deposited and protected according to the Thesis-Charter. They will be soon available  for consultation at the Library of the University of Aix-en-Provence (MMSH-LAMM), as well as in the library of the Centre International de Documentation et de Recherche of the Petit Palais of Avignon (2012).


Next articles, published on this blog, will present some major works of this work, but also practice methods. Questions will be also proposed, from the hypotheses presented in the thesis.

Chrystel Lupant